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La livraison à domicile coûte jusqu'à trois fois plus cher qu'à l'emporter

Enquête sur les livraisons à domicile et les prix pratiqués par les restaurateurs et plateformes de commandes
Enquête sur les livraisons à domicile et les prix pratiqués par les restaurateurs et plateformes de commandes / 19h30 / 2 min. / le 30 avril 2022
Les services de livraison à domicile ont explosé pendant la pandémie de Covid. Un service pratique, mais qui comporte des inconvénients: les prix des repas sont gonflés par les restaurateurs, souvent assujettis aux plateformes de livraison.

A vélo, en scooter ou dans des petites voitures électriques: pendant le confinement, on ne voyait qu'eux. Les livreurs de restaurants étaient pratiquement les seuls en circulation.

En un an, leur nombre a explosé. Et pour cause, les plateformes de livraison ont augmenté leur nombre de partenaires de 40 à 50% ces douze derniers mois. Pourtant, la livraison à domicile est particulièrement coûteuse, pour les restaurateurs comme pour les clients.

Des prix qui varient du simple au triple

La pizza Etna, achetée dans le restaurant Cité Jardin à Genève, coûte par exemple 10 francs lorsqu'un client vient la chercher directement dans le restaurant. Il faut en revanche prévoir 27,80 francs lorsqu'elle est livrée par UberEats et 24,80 francs, pour une livraison par JustEat.

Le constat est le même lorsqu'un client commande une pizza dans le restaurant Pizza Mania: la pizza Primavera est vendue 17 francs aux clients qui viennent chercher la pizza dans l'établissement quand un autre doit débourser 27,90 francs pour une livraison via UberEats et Smood.

Cette augmentation cache de nombreux rouages. Les entreprises de livraison à domicile imposent aux restaurateurs des commissions allant de 30 à 40% du prix de la commande.

Pour compenser, Edmond Basha, gérant du restaurant Pizza Mania, reconnaît pratiquer des prix plus élevés sur ses pizzas lorsqu'elles sont vendues par les plateformes de livraison. Pour toucher le même bénéfice qu'avec une vente directe, il vend la pizza Primavera 22 francs à la plateforme Smood, soit 5 francs de plus qu'une vente directe.

Une commission pour "assurer la livraison de bout en bout"

Les plateformes de livraison justifient ces commissions pour financer le salaire des livreurs, les coûts de logistique, le développement du site internet et le service client.

"La responsabilité de Smood est d'assurer la sécurité de la livraison et l'intégrité du produit. Si un produit est manquant, on va appeler le fournisseur en lui demandant de refaire une livraison ou d'annuler la commande. On gère la relation avec le client de bout en bout et on décharge nos fournisseurs de cette responsabilité-là", assure Paul-Henri Brunet Arnoux, directeur marketing de l'entreprise, samedi dans le 19h30.

Dans les locaux, 650 salariés et plus de 1000 livreurs permettent aux clients de la plateforme d'être servis en temps et en heure. Et le directeur marketing se défend d'imposer à ses équipes des conditions de travail difficiles. Ce qui ne les a pas empêché de manifester dans une dizaine de villes romandes le 5 février dernier pour dénoncer l'utilisation de leurs véhicules privés.

>> Lire aussi : Des livreurs de Smood manifestent à Genève pour de meilleures conditions de travail

Des restaurateurs sous pression

La Fédération romande des consommateurs déplore la pression mise par les entreprises de livraison sur les livreurs et les restaurateurs. "Il faut que le consommateur soit conscient de la part des marges, qu'il se rende compte de la pression des différents acteurs sur cette chaîne de livraison", s'insurge Sophie Migaud-Gigon, qui regrette que "les restaurateurs soient tributaires de ces plateformes pour garder un lien direct avec les clients".

Rares sont en effet les restaurants qui disposent de leur propre service de livraison. Edmond Basha, gérant du restaurant Pizza Mania, doit lancer sa propre équipe dans les prochaines semaines. Il veut s'assurer d'une livraison de qualité avec des emballages qui permettront à la pizza de rester croustillante pendant le transport et qui respectent les normes d'hygiène.

Mais il reconnaît qu'entre le salaire des livreurs, les assurances et les véhicules, il n'est pas près d'être aussi rentable qu'en travaillant avec les plateformes de livraison.

Charlotte Onfroy-Barrier/fme

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