En mars, le prix des denrées alimentaires a atteint un niveau record: la faute à la guerre en Ukraine, mais pas seulement. En effet, le comportement des opérateurs boursiers joue également un rôle dans cette évolution. La flambée des prix de l'énergie accentue la pression sur les bourses mondiales.
"Avant le conflit en Ukraine, le prix des matières premières agricoles avait déjà augmenté de manière significative en réponse à la hausse des prix du pétrole et du gaz", a expliqué mercredi dans La Matinale Olivier De Schutter. Une part très importante de nos systèmes alimentaires dépend ainsi de la disponibilité d’énergie, notamment de la production d’engrais.
Prophétie auto-réalisatrice
Si la spéculation financière n’est pas la cause première de la hausse des prix, ce phénomène l’aggrave. En effet, les fonds d'investissement parient à la hausse des prix, ce qui crée une prophétie auto-réalisatrice.
Pour Olivier De Schutter, il y a de quoi être inquiet. "Les récoltes en Ukraine vont être très faibles en août et en septembre. Les semis n'ont pas pu être faits dans des conditions normales et bon nombre d’agriculteurs ont quitté les champs".
Les fonds d'investissements parient à la hausse des prix, créant une prophétie auto-réalisatrice
A cela, s'ajoute le facteur du réchauffement climatique. De grands pays producteurs comme l’Inde et le Pakistan ont connu des sécheresses considérables, aggravant le risque d'avoir des mauvaises récoltes cet été. "On s’attend à des hausses de prix continus jusqu’à fin 2023", estime le spécialiste.
L'instauration de limites de positions, fixées par le marché boursier, permet d'éviter qu'un seul opérateur financier puisse, à lui seul, influencer l'évolution des prix. "Mais cela ne suffit pas à éviter le comportement moutonnier d’un très grand nombre d'opérateurs financiers", explique le spécialiste. "On reste dans une certaine opacité qui favorise les comportements spéculatifs".
Un marché "trop volatile"
Interrogé au sujet des récents propos du patron de Syngenta appelant à abandonner l'agriculture biologique pour faire face à la crise alimentaire, Olivier De Schutter attire l'attention sur l'importance d'une production agricole moins dépendante du marché des énergies fossiles, "trop volatile".
Par ailleurs, il préconise de se concentrer davantage sur l'agriculture vivrière. Cela, afin de rendre certains pays moins dépendants des importations. "Il faut une agriculture différente de celle proposée par les acteurs de Sygnenta", conclut Olivier De Schutter.
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Propos recueillis par Valérie Hauert
Texte web: Hélène Krähenbühl