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Immense défi pour la Suisse dans l'interdiction du pétrole et du charbon russe

Le charbon russe négocié en Suisse
Le charbon russe négocié en Suisse / Mise au point / 12 min. / le 12 juin 2022
Si la Suisse dépend très peu des importations de pétrole et de charbon russe, son rôle de plateforme dans le négoce des matières premières représente pour elle un défi de taille dans l'application des sanctions. Selon une enquête de l'ONG Public Eye, 75% des exportations de charbon russe sont négociées en Suisse, en particulier à Zoug.

Selon l’enquête de l'ONG Public Eye, 8 des 9 plus grands producteurs de charbon russe ont installé à Zoug et ses environs leurs holdings et autres branches commerciales. D'après le rapport de l'organisation, 75% des quelque 220 millions de tonnes de charbon exportées chaque année par la Russie seraient ainsi commercialisées en Suisse.

"La Suisse est la centrale à charbon de Poutine", a déclaré l'un de ses auteurs, Adrià Budry Carbo, dimanche à Mise au point. "Ces sociétés ont un point commun: elles sont toutes gérées par des capitaines d'industrie, qui sont tous liés de près ou de loin avec le Kremlin."

Une grande opacité

"Depuis le début de la guerre en Ukraine, les registres du commerce révèlent que de nombreux administrateurs russes perdent leurs droits de signature et sont remplacés par des citoyens suisses", a remarqué aussi Adrià Budry Carbo.

Public Eye dénonce l’opacité qui règne en Suisse. Les noms des véritables ayants droits économiques des sociétés ne peuvent être connus du public.

Heinz Tännler, conseiller d’Etat UDC responsable des finances du canton de Zoug, reconnaît lui-même "qu'il faudrait plus de transparence dans ce domaine".

La responsabilité du SECO

Trop lent, trop passif: les critiques pleuvent de toutes parts sur le Secrétariat d'Etat à l’économie (SECO).

Avec les cantons, il aura pourtant la lourde responsabilité de faire appliquer l'interdiction des opérations de négoce du charbon russe à partir du sol suisse, à compter du 29 août, et à partir de l’année prochaine pour celles concernant le pétrole russe.

Vendredi, le Conseil fédéral a en effet décidé de suivre l’embargo décrété par l'Union européenne.

>> Lire aussi : La Suisse adapte ses sanctions et impose un embargo sur le pétrole russe

Impact sur Genève

Genève fait pour sa part figure de "hub" pour le négoce du pétrole russe. Selon les estimations, entre 50 et 80% des exportations de l'or noir russe sont négociées par les sociétés de trading installées dans la ville.

"Plusieurs entreprises de négoce ont déjà délocalisé leurs services à l’étranger", a confirmé à Mise au point Florence Schurch, secrétaire générale de l’association suisse de négoce des matières premières STSA.

Pierre Bavaud

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