Ruth Dreifuss "inquiète" de l'opposition de la Suisse à la levée des brevets sur les vaccins Covid
L'accès des pays pauvres aux vaccins se joue cette semaine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Genève, lors de sa réunion ministérielle. La Suisse et son industrie pharmaceutique y tiennent un rôle crucial, car elles sont parmi les plus réticentes à la levée des brevets sur ces produits.
Le sujet divise. L'industrie pharmaceutique y voit un affaiblissement de la propriété intellectuelle, alors que pour les ONG, le texte ne va pas assez loin.
Invitée lundi sur le plateau du 19h30, Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération qui milite en faveur de la levée des brevets sur les produits médicaux contre le Covid-19, a souligné que "la pandémie touche l'ensemble du monde, mais de façon inégalitaire quant à l'accès aux vaccins, aux médicaments et aux tests".
L'ancienne conseillère fédérale a rappelé que des négociations ont lieu depuis deux ans, après une demande en ce sens déposée par l'Inde et l'Afrique du Sud en octobre 2020.
L'industrie "pas en danger"
"Une dérogation des brevets serait un signal très négatif pour les entreprises", a affirmé Markus Schlagenhof, ambassadeur suisse, lundi dans le 19h30. "Grâce à la propriété intellectuelle, les entreprises ont été capables de trouver de l'argent pour financer le développement des vaccins. Sans la protection de cette propriété intellectuelle, elles n'auraient jamais pu développer des vaccins dans une période si courte", a-t-il argumenté.
De son côté, Ruth Dreiffus réfute l'idée qu'une levée des brevets sur les produits médicaux anti-Covid menace les entreprises pharmaceutiques. "L'industrie pharmaceutique n'est pas en danger. Ses intérêts à long terme ne sont pas en contradiction avec une autorisation qui serait temporaire et limitée à la lutte contre la pandémie", a-t-elle avancé.
"Dans la question de la pandémie, les moyens mis à disposition venant de fonds publics ont été énormes", relève Ruth Dreifuss. "Aujourd'hui, le bénéfice de ces efforts pour développer rapidement des vaccins contre le Covid-19 est monopolisé par les industries pharmaceutiques", a encore regretté Ruth Dreifuss.
Forte opposition de la Suisse
A l'heure qu'il est, aucun accord n'a été trouvé. Les discussions doivent se poursuivre lundi soir en petit comité, entre 6 pays, dont la Suisse.
Selon des informations de la RTS, la délégation de la Confédération est celle qui bloque le plus les pourparlers, au nom de la protection de la propriété intellectuelle.
"Je ne suis pas optimiste sur la négociation actuelle, même si j'espère un retournement de dernière heure", a avoué Ruth Dreifuss. "Cela m'inquiète de voir que la Suisse, qui d'habitude prend une position plutôt neutre, est en fait à la tête de ceux qui s'opposent à une répartition plus équitable des moyens de lutte" contre le Covid, a-t-elle encore ajouté.
Propos recueillis par Philippe Revaz/iar