Jusqu'à 5 francs de plus en quelques jours sur le prix d'une boîte de lait pour bébé… C'est une hausse surprise à laquelle sont contraints de faire face les jeunes parents ces dernières semaines.
Pour matérialiser les conséquences de l'inflation sur le panier du ménage, la RTS suit depuis le début du mois de mai l'évolution des prix au sein de différentes enseignes et commerces en ligne. Résultat? Si l'inflation liée à la guerre en Ukraine ne se fait pas encore sentir dans la plupart des rayons, le lait infantile s'avère être l'une de ses premières victimes. Nous avons constaté que certaines préparations pour nourrissons ont vu leur prix grimper jusqu'à 41% en quelques jours, tandis qu'en pharmacie la plupart connaissent à une hausse de 7 à 15%, soit en moyenne 2 à 3 francs de plus par boîte.
Une augmentation potentiellement conséquente sur le budget familial puisqu'un bébé consomme entre 4 et 6 boîtes par mois, vendues entre 20 et 40 francs l'unité. Selon le lait qu'ils utilisent, le portefeuille des parents se voit ainsi délesté de 10 à 40 francs mensuels supplémentaires.
Hausse des matières premières
Interrogés sur les raisons de cette flambée soudaine, les fabricants pointent tous du doigt la hausse des matières premières. "Nous sommes confrontés à une forte inflation (entre 15 et 20%) tout au long de notre chaîne de production, confirme Philippe Aeschlimann, porte-parole de Danone, propriétaire de la marque Aptamil. En raison du renchérissement de l'énergie et des carburants, les coûts qui pèsent sur l'usine en Irlande, où la plupart des produits Aptamil sont fabriqués pour la Suisse, augmentent."
Car le lait pour bébé se trouve au carrefour de nombreux produits touchés de plein fouet par les conséquences de la guerre en Ukraine et les retombées de la pandémie. Outre la poudre de lait et le lactose, la majorité des recettes comportent par exemple des huiles végétales comme le tournesol, le colza ou parfois l'huile de coco. Côté emballage, une boîte hermétique implique du plastique, du carton et du fer blanc, des matériaux eux aussi en pleine tourmente. Enfin, l'augmentation des coûts du transport achève de sceller cette hausse.
Chez Nestlé, fabricant des laits Béba, on assure qu'aucun renchérissement n'est prévue dans les prochaines semaines: "Afin de minimiser l'effet des augmentations de coûts que nous subissons, nous optimisons tous nos processus sur l'ensemble de nos activités. L'ajustement de nos prix de vente est notre dernier recours après toutes les mesures d'économie entreprises", explique Guillaume Roud, porte-parole de Nestlé. En revanche, le fabricant suisse admet "une augmentation des prix au 1er février 2022", qui se traduit déjà dans plusieurs commerces.
Les commerçants sur le qui-vive
Si les producteurs de lait infantiles sont unanimes quant à la hausse du prix des matières premières, ils renvoient également une partie de la responsabilité sur les détaillants.
Car c'est en pharmacie et sur certains commerces en ligne que cette récente flambée des prix se fait le plus sentir. "Les pharmacies achètent en petites quantités et n'ont pas de stocks provisionnels importants comme les grands distributeurs. Ces facteurs ont une influence notable sur le prix d'achat, et par conséquent sur le prix de vente au client", explique-t-on chez PharmaSuisse. Dans le même état d'esprit, Galaxus.ch s'attend à "devoir répercuter sur [sa] clientèle les augmentations de prix des fabricants et des intermédiaires dans les semaines à venir".
Quant aux grandes surfaces, elles sont sur le qui-vive: "La hausse des matières premières fait que les prix des laits infantiles ont déjà augmenté ces dernières semaines et ils vont encore augmenter, estime Tristan Cerf, porte-parole de Migros. Nous sommes actuellement en pleine discussion avec certaines marques pour négocier, pour la suite, les marges les plus justes pour nos clients". Son de cloche similaire chez Coop, qui confirme une hausse récente du prix des laits pour bébé dans ses rayons. "Mais d'une manière générale, le niveau d'inflation en Suisse est nettement plus bas et augmente globalement moins que dans d'autres pays", précise Kevin Blättler, porte-parole de Coop.
Reste que toutes les marques ne sont pas égales face au renchérissement: les augmentations concernent l'essentiel de l'assortiment Aptamil de Danone - gamme particulièrement populaire en Suisse - certains laits Béba de Nestlé et certains laits Hipp. Les laits Bimbosan semblent, pour le moment, être épargnés.
Cécile Denayrouse
Une hausse des prix générale: interview de Monsieur Prix
"En Suisse, nous vivons actuellement une inflation dont le niveau va au-delà de celui des dix dernières années", souligne Stefan Meierhans, alias Monsieur Prix, lors de l'émission On en parle. "Certains pronostics parlent de 3 à 4% pour la fin de l’année. Cela est notamment dû à l’évolution des prix de l’énergie et à des problèmes dans la chaîne d’approvisionnement. Il faut donc s’attendre à une augmentation générale des prix des matières premières."
Parmi les produits fabriqués à partir de matières premières, le lait infantile. En tant que surveillant des prix, Stefan Meierhans a-t-il les moyens d'empêcher ou de ralentir cette hausse?
"Les consommateurs et consommatrices devraient faire jouer la concurrence", estime Monsieur Prix. "D’un autre côté, il faut exiger de la transparence de la part des entreprises. C’est ce que font les associations de consommateurs, et ce que j’essaie de faire. D'un point de vue personnel, c'est difficile, car les ressources à ma disposition sont limitées. Les associations de consommateurs ont demandé au Parlement d’allouer plus de ressources pour exiger cette transparence et éviter les abus", ajoute-t-il.
Dans les mois qui viennent, les priorités de Stefan Meierhans seront les prix de l’électricité, du gaz, du mazout ou encore de l’essence. "La hausse des prix de ces produits en entraînera d’autres par ricochet. J’ai lancé plusieurs enquêtes dans ce domaine."