"Nous sommes à un tournant, même globalement et pas uniquement en Suisse. L'économie est de plus en plus fracturée. Des pays deviennent à risque parce qu'on n'arrive plus à être sûrs de leur capacité d'approvisionnement, notamment en Asie", explique le professeur d'économie vendredi dans La Matinale.
Celui-ci pointe évidemment les répercussions de la guerre en Ukraine. "Beaucoup d'entreprises sont en train de réfléchir à la relocalisation, d'autres au rapatriement. Les grandes entreprises vont rester globales, mais peut-être qu'elles vont sortir de Russie et de Chine. Les plus petites entreprises peuvent de leur côté se poser la question suivante: est-ce que je rentre à la maison, en Suisse?"
Des entreprises misent sur le "Swiss made"
Cette semaine, la RTS a dressé le portrait d'entreprises qui ont l'ambition de produire local. Vélos de livraison électriques, masques sanitaires ou encore panneaux solaires, toutes misent sur le "Swiss made", malgré les coûts de production élevés.
"Tous les secteurs ne peuvent pas le faire, cela dépend aussi de la technologie et de la taille de l'entreprise. Mais les PME suisses qui sont extrêmement précises dans leurs produits, qui ont une stratégie de niche, peuvent réfléchir à un retour au pays. Beaucoup le font en ce moment. Au fond, le rêve de tout entrepreneur est de produire de l'autre côté de la rue", relève Stéphane Garelli.
Le professeur de l'IMD à Lausanne signale toutefois que le retour en Suisse peut s'avérer compliqué, notamment pour trouver un terrain. "Avant de revenir complètement ici, beaucoup d'entreprises vont déjà aller plus près de nos frontières, en Europe centrale."
Hausse des prix
Dans un monde post-Covid, Stéphane Garelli évoque une nouvelle page dans la globalisation, où la sécurité d'approvisionnement et d'investissement est au coeur des préoccupations des entreprises. Avec une hausse des prix inévitable.
"Les entreprises vont multiplier leurs sources d'approvisionnement au cas où il y en a une qui commence à ne plus marcher. Certaines vont même dédoubler leur technologie pour être sûres par exemple de ne pas dépendre de Taïwan pour des semi-conducteurs. Mais tout cela implique une complexité plus grande et des coûts beaucoup plus chers."
Les pays à risque - la Russie et la Chine, selon l'économiste - représentent à peu près un tiers du PIB mondial. "Il reste donc deux tiers avec lesquels on peut travailler, par exemple l'Europe, les Etats-Unis, l'Asie du Sud-Est. Le tableau n'est pas aussi noir que ça, mais il faut une analyse nouvelle de la situation."
Propos recueillis par Benjamin Luis/gma