Quiconque souhaite y entrer doit suivre une procédure des plus strictes. Les visiteurs se revêtissent d’une combinaison intégrale blanche, munie d’une poche dans laquelle sera glissé un dosimètre, un appareil qui permet de mesurer l’accumulation de radioactivité.
Le directeur Herbert Meinecke sert de guide dans le dédale de couloirs qui composent l’installation. Pour entrer dans l’enceinte de confinement du réacteur, il faut passer par des sas fermés par de lourdes portes automatiques. "La pression est plus basse dans le bâtiment du réacteur. L’air ne peut s'écouler que vers l’intérieur. Il est ensuite filtré et contrôlé", explique Herbert Meinecke.
Plusieurs couches de protection
Après avoir franchi une suite de plusieurs barrières de confinement aux allures de vaisseau spatial, le cœur de la centrale se dévoile. "On est ici exactement au milieu de cette sphère d’acier. On voit le bassin de stockage pour les éléments de combustibles usagés", décrit le directeur en désignant au sol une cuve remplie d’eau.
L’immense dôme est garni d’un ensemble de machines bruyantes et de tyauterie. Il est régulièrement nettoyé pour enlever toute poussière radioactive.
Fer de lance de l'électricité
Depuis six ans, Gösgen ne se fournit plus en uranium russe, contrairement aux autres centrales nucléaires du pays. "Nous voulions une chaîne d'approvisionnement sûre et respectueuse de l'environnement", indique Herbert Meinecke. "C’est pourquoi nous nous fournissons désormais au Canada et en Europe de l’ouest. Nous en sommes très heureux aujourd'hui."
Sous les dalles de béton, le réacteur tourne à plein régime, faisant de Gösgen et des trois autres centrales nucléaires un pilier de la production électrique suisse, particulièrement en hiver. Elles fournissent durant cette saison environ 37% de la consommation nationale.
Face à la pénurie d’électricité qui menace, Gösgen met tout en œuvre pour éviter les pannes, mais sans céder à la pression. "Une production électrique sûre et fiable, c’est le b.a.-ba de l’énergie nucléaire. Chaque année, chaque minute, chaque seconde", souligne Herbert Meinecke.
Contrôle et planification
Il est temps de visiter la salle de contrôle, centre névralgique du fonctionnement et de la sécurité de la centrale. C’est une vaste pièce aux murs couverts de tableaux de bord et d’ordinateurs. Si l’équipe qui y travaille constate un dysfonctionnement, elle éteint immédiatement la centrale.
L'ingénieur allemand Herbert Meinecke est aux commandes de la centrale de Gösgen depuis 12 ans. Aujourd’hui, il se réjouit du regain d’intérêt politique pour le nucléaire en Suisse.
"Il y avait auparavant d’autres courants politiques, et ça ne me donnait pas un bon sentiment. Mais l’intérêt actuel et les discussions là autour, c’est positif", dit-il.
Il y a cinq ans, le peuple suisse a voté en faveur d'une sortie progressive du nucléaire. À Gösgen, on verrait d’un bon œil un nouveau scrutin sur le sujet.
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Reportage TV: Alexander Grünig et Julien Guillaume
Adaptation web: Antoine Michel
Une énergie "surannée" et "sale"
Interviewé dans le 19h30 dimanche, Florian Kasser, de Greenpeace Suisse, estime que le nucléaire est une technologie "surannée", "sale", car elle "produit des déchets dont on ne sait que faire", et qui "soutient le régime de Poutine et sa guerre en Ukraine", une partie de l'uranium provenant de Russie.
Sortir de cette source d'énergie reste donc à ses yeux une bonne stratégie. Selon lui, "un incident ou un arrêt intempestif (de la centrale de Gösgen, ndlr) peut arriver à tout moment". Il estime également que la situation actuellement tendue sur le marché de l’électricité "est provoquée par le nucléaire". En effet, en France, qui alimente le marché européen, une trentaine de réacteurs sont à l’arrêt. Soit la moitié du parc nucléaire de ce pays. "Donc, de grosses capacités de production manquent pour assurer l’approvisionnement électrique", souligne-t-il.
Florian Kasser milite ainsi pour que "l’accent soit mis sur les énergies renouvelables". Dans ce domaine, la Suisse est trop lente, dit-il. "Il nous faut vraiment un coup d’accélérateur, spécialement pour le solaire", afin de "remplir nos objectifs de transition énergétique". Il souligne aussi le besoin de changer les comportements, c’est-à-dire de "s’attaquer au gaspillage".