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Les alcools vintages à la (re)conquête du monde

Des verres de vin à Paris. [EPA/Keystone - Ian Langsdon]
Détricotage de la stratégie de conquête internationale d'un alcool / Tout un monde / 8 min. / le 27 juillet 2022
En quelques années, le Spritz est devenu la boisson incontournable des apéritifs et des soirées, à tel point qu'il est désormais largement copié. Les alcools vintages, comme le Picon, souvent mélangé à la bière, redeviennent populaires dans les bistrots de Paris, Lausanne, Munich ou encore New York.

Si la marque bordelaise Lillet est passée de 900'000 litres d'alcool vendus en 2011 à 9 millions en 2021, c'est qu'elle a été rachetée en 2008 par Pernod Ricard. La stratégie du groupe est d’en faire l’une de ses marques phares, mais sans se mettre en avant, afin de préserver une image d'authenticité.

"On a créé la demande avec le temps, en utilisant des ambassadeurs de marque pour couvrir le produit sur le terrain, dans des bars, en terrasse", a expliqué mercredi dans l'émission Tout un monde Léa Belot, la responsable des apéritifs du groupe Pernod Ricard. Mais Lillet, comme le Gin, la Suze ou le Byrrh, profite surtout de la vague Spritz et du boom des cocktails faciles à réaliser chez soi.

"Des oasis de lâcher-prise"

"Aperol a participé à la réinvention du moment apéritif", avance même Léa Belot. "Les consommateurs sont à la recherche d'une nouvelle alternative par rapport au Spritz. Ce sont des boissons qu'on appelle en marketing 'low energy', car elles sont fraîches, fruitées et consommée dans la journée".

Pour Cécile Pineau, spécialiste en sémiologie et communication, l'engouement pour ces boissons s'explique par les imaginaires auxquels elles font appel. "Ce côté rafraîchissant appelle à l'imaginaire de la détente, des vacances et de l'insouciance. Ce sont des imaginaires auxquels il faut faire appel en période de crise, car ce sont des petites oasis de lâcher-prise par rapport au monde qui est plutôt angoissant", analyse-t-elle.

Les femmes et les jeunes, les cibles des producteurs

Certaines boissons, considérées parfois comme des alcools de grand-mère, ciblent désormais les femmes, jeunes, actives et éventuellement sensibles à une étiquette un peu nostalgique. "La stratégie des producteurs d'alcool est assez claire. Les nouveaux marchés sont d'une part les femmes et d'autre part les jeunes", souligne Myriam Savy, directrice du plaidoyer chez Addiction France.

Si les femmes boivent à des niveaux plus élevés, elles ne consomment pas encore comme les hommes. Et du côté des jeunes, Myriam Savy prévient que "plus on consomme jeune, plus on a de chances à l'âge adulte d'avoir des consommations excessives".

>> Ecouter à ce sujet :

La part des jeunes disant avoir une consommation excessive d'alcool a augmenté en dix ans. [Fotolia - PhG]Fotolia - PhG
Les jeunes fument moins mais boivent davantage qu'il y a dix ans / Le Journal horaire / 25 sec. / le 3 mars 2022

"L'une des stratégies pour toucher les jeunes est l'investissement sur les réseaux sociaux. Les producteurs ne le font pas de manière directe mais ils passent par des influenceurs ou des prescripteurs de tendances qui vont donner envie aux jeunes d'essayer", ajoute-t-elle. Cette stratégie permet aussi de contourner l’interdiction ou les restrictions de publicité pour les jeunes.

Tous les moyens sont bons pour vendre

Toutefois, certains produits ciblent les jeunes plus directement. "Les grands groupes développent des produits sans alcool. C'est aussi une stratégie de contournement, car quand on promeut sa boisson sans alcool, on vise à installer dans les esprits la marque", décrypte Myriam Savy.

>> A écouter également :

Le grand débat - Alcool, gare à la banalisation?
Le grand débat - Alcool, gare à la banalisation? / Forum / 20 min. / le 11 novembre 2021

Les marques font aussi du lobbying auprès des autorités, sponsorisent des événements sportifs, recourent à l'affichage ou monnayent des contrats d'exclusivité avec les bars et restaurants.

Certains fabricants de bières pression, elles, redistribuent du cash en fin d'année lorsque les volumes écoulés ont été bons, une manne bienvenue à l'heure des 13èmes salaires, ou encore prêtent de l’argent à des taux largement plus favorables que les banques.

Reportage de Caroline Stevan
Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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