L'enquête de l’European Investigative Collaborations (EIC), dont la RTS est membre, a levé le voile sur l'implication de la société privée paramilitaire russe Wagner dans l'entreprise "Bois Rouge Sarlu". Celle-ci a mis la main en 2021 sur une immense parcelle de forêt en Centrafrique, dont elle exploite le bois en toute liberté sans payer de taxes et en connivence avec les autorités locales.
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Au-delà de ces révélations sur ce groupe de mercenaires russes, réputés proches du Kremlin, cette enquête met en lumière le risque de commerce illégal de bois à l'échelle mondiale.
Or, en Suisse, il est de la responsabilité des entreprises importatrices de se renseigner sur la provenance du bois, afin de garantir que celui-ci n'est pas issu d'une récolte ou d'un commerce illégal. Cette responsabilité concerne aussi les produits dérivés, comme le matériel de construction ou les meubles. Revendeurs et détaillants doivent pouvoir prouver d'où vient le bois qu'ils achètent.
Ce devoir de diligence est réglementé par une ordonnance sur le commerce du bois entrée en vigueur au 1er janvier 2022, et qui a mis en place de nouvelles règles basées sur la législation de l'Union européenne.
Différents degrés selon le pays d'origine
Concrètement, ce devoir impose aux entreprises de se procurer systématiquement toutes les informations nécessaires sur la provenance des produits: type de bois, pays d'origine, région de coupe, nom et adresse du fournisseur.
Sur cette base, les firmes évaluent le risque et le déclarent à la Confédération. Si le risque est jugé négligeable, le bois ou le produit dérivé peut être mis sur le marché.
Pour du bois en provenance de Centrafrique, en raison du risque élevé de corruption évalué par des standards internationaux, l'importateur devrait pousser l'investigation, en s'adressant directement au fournisseur, voire en procédant à une vérification des documents et certificats sur place ou en échangeant avec des experts locaux.
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Information lacunaire
Pour faire respecter ce devoir de diligence, l'Office fédéral de l'Environnement effectue des contrôles aléatoires en fonction notamment du pays d'origine du bois et du volume importé.
Pour autant, il est impossible d'être totalement certain qu'il n'y ait pas de bois issu du commerce illégal en Suisse. Si cela devait être le cas, il s'agit sans doute d'une part très minime. Les importations ne constituent que la moitié du bois utilisé en Suisse. Et la grande majorité d'entre elles proviennent de l'Union européenne, où des normes de contrôle sont normalement appliquées.
Selon le Bureau fédéral de la consommation (BFC), sur une centaine d'entreprises contrôlées en 2021, seules 16% avaient effectué une déclaration totalement conforme. Et près d'un quart d'entre elles ne déclaraient ni l'espèce, ni la provenance du bois.
Pas forcément de fraude
Il convient toutefois de relativiser ces chiffres. D'une part, ils datent d'avant l'instauration du nouveau système. Mais surtout, pour de nombreuses PME comme des menuiseries ou des charpenteries, les erreurs de déclaration sont avant tout liées à une méconnaissance des normes et à la lourdeur administrative des vérifications.
Ainsi, ces lacunes ne signifient pas forcément que les entreprises ont quelque chose à cacher. D'autant que l'immense majorité des PME puise dans les forêts helvétiques.
La traçabilité de l'ensemble du bois utilisé en Suisse peut toutefois être améliorée. Une campagne de sensibilisation a été mise en place dans le secteur.
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Julien Bangerter/jop