Economiesuisse suggère de décaler provisoirement les horaires de travail vers la soirée ou le week-end lorsque c'est possible. L'information a été publiée vendredi dans le Tages-Anzeiger. La faîtière des milieux économiques espère ainsi lisser la consommation d’énergie et augmenter les chances de ne pas surcharger le système énergétique l’hiver prochain en Suisse (lire encadré).
Interrogé vendredi dans le 12h30 de la RTS, le président de l'Union syndicale suisse (USS) a souligné d'entrée que cette proposition était "tellement floue" qu'elle est très difficile à commenter. "On ne sait pas dans quels secteurs ni dans quelle proportion ce travail serait compensé, mieux payé, etc", relève Pierre-Yves Maillard, qui n'y voit qu'un ballon d'essai. "Non, ça ne tient pas debout, ça ne résout rien".
Pour le Vaudois, cette proposition confirme une volonté d'Economiesuisse depuis un certain nombre d'années. "Ils veulent faire travailler les gens le dimanche, réduire le temps de repos la nuit, depuis bien avant la crise énergétique", dénonce-t-il.
"C'est le volume de production d'énergie qui compte"
"C'est d'ailleurs la même chose quand ils veulent augmenter la durée d'ouverture des magasins, comme si le pouvoir d'achat pouvait s'étaler", renchérit le président de l'USS en utilisant un langage imagé: "Il y a le même pot de confiture. Ce n'est pas parce qu'on l'étale qu'il y en aura davantage".
Pour l'énergie, c'est la même chose, poursuit Pierre-Yves Maillard. "Le pic d'activité peut être réglé en étalant un peu le travail, mais ce qui compte aujourd'hui, c'est le volume de production d'énergie. Et dans l'urgence face à la possible crise de l'hiver prochain, "il faudra trouver des solutions en matière d'économies d'énergie", souligne-t-il.
Le nécessaire retour à des monopoles énergétiques
Le conseiller national vaudois veut surtout regarder plus loin. "Ce qu'Economiesuisse ne met pas en cause, ce que peu de gens mettent en cause, c'est l'une des causes profondes de la situation dans laquelle on se trouve", relève-t-il.
"Quand on était dans des régimes de monopole en Europe il y a encore 20 à 30 ans, avec des acteurs de service public qui avaient la responsabilité de développer l'infrastructure, de produire suffisamment et d'avoir des réserves de production, ces acteurs avaient l'obligation d'avoir jusqu'à 20-30% de capacité de production en réserve pour pouvoir gérer des pics, des pénuries ou des situations de crise", rappelle le président de l'USS.
Quand on a tout libéralisé en Europe, "on a aboli ces réserves de production qui étaient des surcoûts", poursuit-il. "Et maintenant, on se retrouve dans la situation où on est en dépendance envers un fournisseur, sans réserve de production".
Pour le socialiste, il faut donc investir. "Le plus vite possible, on doit rétablir des conditions où ceux qui investiront pour l'énergie auront la garantie que leur production sera achetée à un prix suffisant".
Propos recueillis par Yann Amedro/oang
Une solution "facile à mettre en place" pour Bernard Rüeger
Si l'idée de réduire la consommation d'énergie en décalant les horaires des collaborateurs et collaboratrices est critiquée par l'USS, pour Bernard Rüeger, chef d'entreprise et membre du comité directeur d'Economiesuisse, elle est "extrêmement pragmatique".
"On ne va pas avoir le temps de réhausser des barrages ou de construire des centrales nucléaires dans les trois mois qui suivent. Comme mesure d'urgence pour cet hiver ou les deux ou trois hivers qui suivront, c'est relativement facile à mettre en place", a-t-il expliqué vendredi soir au micro de Forum.
Selon lui, en répartissant les heures de travail des employés, la consommation ne serait pas moindre, mais plus linéaire, ce qui permettrait d'éviter les pics de consommation. "Je pense que certains secteurs pourront le faire plus facilement que d'autres", concède toutefois le chef d'entreprise.