Les bénéfices de certains groupes ont explosé ces derniers mois grâce à l'envolée des prix de l'énergie: 18 milliards de dollars (17 milliards de francs) pour le pétrolier britannique Shell au deuxième trimestre, 9,26 milliards pour le britannique BP (8,7 milliards de francs), qui a multiplié par trois ses profits pour la période, 3,8 milliards d'euros (3,7 milliards de francs) pour l'italien Eni, 5,7 milliards d'euros (5,5 milliards de francs) pour le français TotalEnergies. L'espagnol Repsol a vu de son côté ses bénéfices croître de 165% depuis janvier.
La flambée des prix de l'énergie plonge parallèlement des millions de ménages dans la précarité et fait dépenser aux États des sommes considérables. L'OCDE a évalué à 169 milliards de dollars le soutien direct de ses États membres et certains partenaires à la consommation de combustibles fossiles entre octobre 2021 et la fin 2022.
"Cupidité" et profits "scandaleux" dénoncés à l'ONU
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé le 3 août la "cupidité" des grandes entreprises pétrolières et gazières qui réalisent des profits "scandaleux" sur "le dos des plus pauvres" grâce à la crise provoquée par la guerre en Ukraine, appelant les gouvernements à les taxer.
"Il est immoral que les entreprises pétrolières et gazières fassent des profits record grâce à cette crise énergétique, sur le dos des populations et des communautés les plus pauvres, avec un coût massif pour le climat".
Antonio Guterres présentait le troisième rapport de l'ONU sur les conséquences mondiales de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Celui-ci estime que d'ici fin 2022, 345 millions de personnes pourraient se retrouver en situation d'insécurité alimentaire dans 82 pays, soit 47 millions de plus à cause de cette guerre.
Responsabilité politique?
Samedi dernier, dans l'émission Forum, Samuel Bendahan, économiste et conseiller national socialiste vaudois, estimait que le problème était que "ces entreprises n'ont pas mérité cela parce qu'elles ont pris des bonnes décisions d'investissement. Elles ont juste profité d'une situation de crise".
L'élu vaudois jugeait que le système de "l'ajustement des prix" ne fonctionnait pas. Les prix à la pompe peuvent exploser rapidement, alors que les baisses sont très lentes. Selon lui, "quelque chose ne marche pas" et "le fait que ce soit possible de faire des milliards de profits dans une crise comme celle-là n'est politiquement pas acceptable".
Plusieurs taxes décidées
Dernière en date, l'Espagne a annoncé à la mi-juillet une taxe sur les bénéfices extraordinaires des grandes entreprises énergétiques et financières qui pourrait rapporter quelque 3,5 milliards d'euros par an sur deux ans.
Auparavant, Londres a dévoilé fin mai l'instauration d'une taxation des bénéfices de 25% pour les géants du pétrole et du gaz, devant permettre de lever 5 milliards de livres. Un taux similaire à celui de l'Italie.
La Roumanie et la Grèce ont aussi imposé des mesures touchant des groupes d'énergie.
La France, qui a imposé un bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité en mettant à contribution EDF, a préféré réclamer des initiatives de la part des grands groupes eux-mêmes. Menacé par la taxe, le pétrolier TotalEnergies a annoncé une remise sur l'essence équivalent à quelque 500 millions d'euros sur l'année.
Question aussi posée en Suisse
La question d'une taxe se pose aussi en Suisse. Le président du Centre Gerhard Pfister interpellait le Conseil fédéral à ce sujet au début de l'été. Une idée soutenue par les Verts.
Ce qui est central dans cette question, c'est la distinction entre profit et superprofit, soit comment qualifier un bénéfice d'exceptionnel en cas de crise ?
Le débat ne fait que commencer et devrait figurer à l'ordre du jour de la session parlementaire d'automne qui débute dans un mois.
cab avec afp