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Swissmem veut affronter la crise énergétique en travaillant davantage la nuit

Inquiétudes de l’industrie des machines face au risque de pénurie d'énergie: interview de Philippe Cordonnier
Inquiétudes de l’industrie des machines face au risque de pénurie d'énergie: interview de Philippe Cordonnier / Forum / 6 min. / le 30 août 2022
Le volume de commandes dépasse désormais son niveau d'avant la crise du Covid dans l'industrie suisse des machines. Mais sa faîtière Swissmem se dit pourtant inquiète face à la crise énergétique qui se dessine et songe à déplacer davantage la production sur la nuit ou le dimanche.

L'industrie suisse des machines, équipements électriques et métaux (MEM) a enregistré une solide croissance au premier semestre de l'année (lire encadré). Les grandes comme les petites et moyennes entreprises (PME) ont profité de la solide conjoncture, et cela devrait continuer d'être le cas au cours de la deuxième moitié de l'année.

"Une situation particulière et très paradoxale"

Mais la branche voit de sombres perspectives à l'horizon et craint pour l'évolution de ses activités, alerte mardi sa faîtière Swissmem. "La situation que vit l'industrie aujourd'hui est assez particulière, elle est très paradoxale", a souligné son responsable romand dans l'émission Forum.

"On sort d'une crise Covid extrêmement paralysante, mais nous avons présenté des chiffres très réjouissants. C'est un très bon rebond, les carnets de commandes sont pleins", a expliqué Philippe Cordonnier. "Mais cette situation est très fortement pénalisée par les nuages qui s'accumulent à l'horizon. C'est lié au franc fort, à l'approvisionnement et maintenant à l'approvisionnement en énergie. Et les coûts de l'énergie qui sont en train d'exploser peuvent pénaliser très fortement nos entreprises".

Proposition à discuter avec les partenaires sociaux

Pour faire face à ces perspectives, Swissmem suggère plusieurs pistes, et notamment celle de déplacer la production la nuit ou le week-end pour éviter des pics de consommation trop importants en journée.

"C'est une proposition de discussion", précise son représentant romand. "On a beaucoup d'entreprises, aujourd'hui, qui travaillent en continu, jour et nuit", rappelle-t-il. "Et si on devait faire face à des problèmes de consommation d'énergie (…), il faudrait pouvoir lisser cette production. On aimerait pouvoir éviter les pics de consommation en étalant la production sur la soirée, la nuit ou éventuellement le dimanche, pour une période temporaire".

Mais "nous avons un partenariat social, auquel nous tenons depuis de très nombreuses années", enchaîne Philippe Cordonnier. "Cela se discute au sein de notre convention collective pour les entreprises qui y sont soumises", rappelle-t-il.

"On est probablement face à une situation extraordinaire comme celle que l'on a vécue pendant la pandémie", relève encore ce représentant de l'industrie des machines. "On ne la souhaite pas, mais si elle devait arriver, on aimerait être prêts à mettre ces mesures en place".

Trop tôt pour imaginer des crédits transitoires

Economiesuisse, de son côté, souhaite des crédits transitoires analogues aux prêts Covid pour les entreprises confrontées à des problèmes de liquidités en raison de la hausse des prix de l'énergie. "Nous, nous ne le demandons pas tout de suite", réagit le responsable romand de Swissmem. "Mais si la situation devait dégénérer, cela pourrait être une solution".

Philippe Cordonnier se défend par ailleurs d'être trop alarmiste. "Les marges, aujourd'hui, sont fortement érodées (…) Si on vend à perte, la pérennité de l'entreprise n'est pas assurée. Et de nombreuses entreprises nous signalent qu'elles sont au bord du gouffre parce que les marges sont en train de s'éroder à cause de la hausse des coûts".

oang avec Tania Sazpinar et ats

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Que dit la loi sur le travail?

La loi sur le travail définit un cadre très strict avec des blocs horaires pendant lesquels l'employé est censé travailler et un temps de récupération minimal. Les employeurs ne peuvent donc pas indéfiniment allonger les heures, ni flexibiliser complètement., a expliqué dans La Matinale de mercredi Marianne Favre-Moreillon, experte en droit du travail à Lausanne: "La loi sur le travail est là pour protéger la santé du collaborateur. Dans le contrat de travail, les horaires et les jours de travail sont  fixés, ce n'est pas possible que l'employeur modifie unilatéralement le temps de travail."

Et même si l'horaire n'est pas fixé contractuellement, impossible de décaler des horaires le soir par exemple sans le consentement express de l'employé.

Certains secteurs (restauration, hôpital, théâtre, boulangerie, maraîcher, presse,...) bénéficient d’un régime dérogatoire, fixé dans une ordonnance à la loi sur le travail. Vi vous ne faites pas partie de ces catégories l'employeur doit prouver le besoin urgent, explique encore l'experte.

>> Les explications dans La Matinale :

Le président de Swissmem anticipe des licenciements en masse dans le secteur industriel. [Keystone - Alessandro Crinari]Keystone - Alessandro Crinari
Changer les horaires de travail pour économiser de l’énergie, la proposition des milieux économiques / La Matinale / 4 min. / le 31 août 2022

Un tiers de commandes en plus qu'en 2019

Les entrées de commandes de l'industrie des machines ont bondi de 10,1% et se trouvent désormais 30% au-dessus du niveau d'avant crise, soit du dernier trimestre 2019. Le chiffre d'affaires a progressé de 12,1% et les exportations ont crû de 9,0% à 36,5 milliards de francs.

Mais 30% des entreprises affiliées à Swissmem s'attendent à une baisse des commandes de l'étranger au cours des douze prochains mois.

Le pessimisme s'illustre aussi dans l'indice des directeurs d'achat en zone euro, principal marché pour l'industrie MEM suisse. Il a chuté en juillet sous la zone de croissance pour la première fois depuis mi-2020.

Entre avril et juin, 320'900 personnes étaient employées dans l'industrie MEM en Suisse, soit 2,4% de plus que lors du deuxième trimestre 2021. Les offres d'emplois dans le secteur ont bondi de 32% sur un an.