"Nous demandons un minimum d'équilibre, on pourrait même parler d'un minimum de décence commune", a déclaré Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse (USS), dans la version écrite de son discours.
Et d'énumérer une hausse du PIB prévue à 2,5% en 2022 et à 1,9% en 2023, une croissance des exportations de 11,5% au premier semestre, un chômage à 2%, "niveau le plus bas depuis 20 ans", ou encore des dividendes et rachats d'actions "à un niveau historiquement élevé".
Un "risque d'appauvrissement sans précédent"
"Et du côté des salariés et des ménages?", a demandé Pierre-Yves Maillard. "Si on n'adapte pas les salaires à la réalité de la hausse du coût de la vie avec de telles données, quand le fera-t-on?"
L'USS revendique des augmentations de salaire de 4 à 5%. Cette hausse comprend une compensation du renchérissement (entre 3% et 3,5%), une hausse de 1% du salaire réel en raison de la croissance de la productivité et un rattrapage du retard salarial de ces dernières années.
Le Vaudois a fait appel au "bon sens" dans un souci de "concorde nationale et de paix sociale". Selon lui, on ne peut invoquer le Covid-19 pour donner la priorité à la reprise économique. Dans la restauration, l'hôtellerie ou la coiffure, des domaines touchés par la pandémie, les salaires ont été adaptés, avec une hausse des salaires réels. "Si c'est possible chez eux, c'est possible partout."
Pierre-Yves Maillard souhaite aussi que l'Etat compense en partie la crise du pouvoir d'achat qui se prépare, parlant d'un "risque d'appauvrissement sans précédent". Outre la hausse du coût de la vie, le conseiller national membre du Parti socialiste a fustigé le fait qu'il soit demandé aux salariés d'effectuer encore plus de travail la nuit et le dimanche.
Secteur aérien touché de plein fouet
Restrictions sanitaires, obligation vaccinale ou encore licenciements de masse: le secteur de l'aviation civile a été touché de plein fouet par la crise du coronavirus, a rappelé de son côté Sandrine Nikolic-Fuss, présidente de kapers, l'union du personnel de cabine.
Alors que les avions sont pleins et les prix des billets à la hausse, les employés sont en sous-effectif, travaillant pour des salaires "indécents", a-t-elle déploré. Les conditions de travail "précaires" et la grande flexibilité demandée font que le personnel fluctue plus que dans d'autres branches.
Au lieu d'améliorer les conditions de travail et les salaires, les compagnies préfèrent recruter à l'étranger, a-t-elle pointé. "La sous-enchère sociale est indéniable." Les employés se sentent "floués" et "trahis" après avoir participé à l'effort collectif pendant la crise.
Une hausse de salaire de 5%, sans compter l’évolution effective des salaires dans les différentes entreprises, est un minimum, selon Mme Nikolic-Fuss. "Un salaire inférieur à 4000 francs brut par mois est tout simplement une honte. (...) Il est inadmissible qu’un poste de travail à temps plein ne permette pas de vivre décemment en Suisse."
ats/aps
Le patronat opposé à des hausses généralisées
Le responsable romand de l'Union patronale suisse (UPS)Marco Taddei ne s'oppose pas à certaines hausses salariales, mais il ne veut pas entendre parler d'une augmentation générale. "Nous sommes prêts à entrer en matière dans le cadre de négociations, comme c'est la tradition et la norme en Suisse", a-t-il affirmé dans l'émission Forum.
Mais Marco Taddei a soulevé dans la foulée un problème majeur à ses yeux: "Il y a une revendication d'augmentation générale et on est là aux antipodes du modèle de fonctionnement suisse qui prévoit une décentralisation dans la négociation au sein des branches, au sein des entreprises", a-t-il relevé. "Il faut tenir compte de la grande diversité du tissu économique. Cette proposition générale est donc tout à fait inacceptable."
Interrogée de son côté dans le 19h30, Sophie Dubuis, membre du comité directeur de l'UPS, souligne qu'il y a aussi aujourd'hui des revendications du côté patronal, qu'elle qualifie de "pionnières".
"Le droit du travail, nous le savons, est obsolète", a-t-elle estimé. "Il s'agit de le repenser en collaboration avec toutes les parties".
Pour certains patrons en tout cas, une hausse générale des salaires n'est tout simplement pas tenable. C'est particulièrement le cas dans des PME.
Crise énergétique
Dans le domaine énergétique, Pierre-Yves Maillard a rappelé qu'il y a bientôt 20 ans, le peuple suisse refusait la loi demandant la libéralisation complète du marché électrique, "grâce aux syndicats".
Il a critiqué ceux qui ont prôné cette libéralisation et qui s'apprêtent désormais à "demander des aides à l'Etat ou un retour dans le giron du monopole et des prix régulés pour compenser la hausse des coûts de l'énergie".
Le Vaudois a prôné un "enterrement définitif" de toute volonté de libéraliser cette branche. Et d'exiger le rétablissement d'urgence des monopoles publics ou au moins régulés.