Étudiants ou ménages précaires, l'inflation frappe durement certaines catégories de population
Les ménages à bas revenus sont les premières victimes de l'inflation qui les plonge dans des situations critiques, alors que la pandémie de Covid a déjà fait des dégâts. Des organisations telles que le Centre social protestant ou Caritas le mesurent déjà tous les jours. Et selon elles, les effets se feront encore plus sérieusement ressentir au début de l'année prochaine.
En Suisse, les 20% des ménages aux revenus les plus bas consacrent presque la totalité de leur revenu à leurs dépenses de consommation. Dans le seul canton de Neuchâtel, par exemple, 7200 personnes sont détentrices d'une carte qui donne accès aux épiceries Caritas. Des commerces où le kilo de pâtes est vendu 70 centimes, contre 4 à 6 francs en grande surface, où leur prix a déjà augmenté d'environ 14% en moyenne.
Rigueur et sacrifices
Mais malgré cette aide, les budgets se resserrent inexorablement. "Ma préoccupation première, c'est de payer mes factures", témoigne Joanna (prénom d'emprunt), 54 ans, dans La Matinale. Rigueur budgétaire et privations sont nécessaires: "Je préfère avoir ma tête tranquille et avoir mes factures payées et pas de poursuites. Et donc je mange ce que je peux, voilà. Des fois, je n'ai rien dans le frigo."
Depuis le printemps 2020, Joanna retrouve chaque mois une assistante sociale de Caritas qui l'aide à faire le point sur son budget. Licenciée suite à un gros burn-out, elle a vu ses revenus diminuer de plus de 2000 francs même après avoir retrouvé du travail. Elle cherche désormais à sortir de la spirale de l'endettement.
À la fin du mois, il reste à peine quelques centaines de francs. Une marge qui pourrait encore diminuer à l'avenir, alors que son budget d'essence a déjà doublé en quelques mois. Une situation problématique qui inquiète Julia Henguely, assistante sociale chez Caritas Neuchâtel. Sans hausse des salaires, elle craint que la situation n'empire encore au début de l'année prochaine. Selon elle, "il faudrait mettre en place une certaine souplesse pour les personnes à bas revenus", comme pendant la pandémie.
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Le monde étudiant affecté
Parmi les "petits budgets" qui pâtissent également de la crise, les étudiantes et les étudiants sont souvent en première ligne. À quelques jours de la rentrée universitaire, celles et ceux qui n'ont pas la chance de bénéficier du soutien de leurs familles sont inquiets. Parfois, leurs budgets dépassent à peine 1000 francs par mois, et leur situation est particulièrement instable.
"À côté de mes études, je travaille dans la restauration pour subvenir à mes besoins. Et visiblement, depuis quelques mois, il y a moins de personnes qui viennent consommer dans mon établissement", témoigne une étudiante en master de l'Unil. "Les étudiants et étudiantes, on est un peu considérés comme une variable d'ajustement: quand il y a moins de travail, c'est nous qui perdons nos shifts. Donc ça veut dire moins de revenus à la fin du mois, alors que le coût de la vie augmente."
Avec ou sans bourse, ils doivent se serrer la ceinture et faire preuve de prudence, parfois de sacrifices, pour arriver à la fin du mois. "Il faut manger plus simple, des pâtes, le classique. Et au niveau de la santé, ne pas aller chez le dentiste ou chez le gynécologue cette année."
Associations actives pour limiter la casse
Les associations étudiantes ont reçu beaucoup de témoignages similaires cet été. Elles ont donc pris les devants, notamment en faisant pression directement sur les prix.
À Lausanne, la Fédération des associations d’étudiants de l'Unil (FAE) a entamé des démarches auprès de la direction et des partenaires de l'université, notamment des cafétérias, "pour s'assurer que les plats ne subiront pas l'inflation que l'ont peut constater dans les supermarchés", explique son coprésident Pedro Duarte.
À l'échelon national, l'Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES) se prépare aussi depuis le début de l’été. Elle portera à Berne une résolution qui comprend plusieurs revendications, notamment une adaptation des bourses d'études ou la protection des prix des logements d'étudiants.
Reportages radio: Deborah Sohlbank et Julie Rausis
Texte web: Pierrik Jordan
Pas de mécanisme dans la loi sur les bourses d'étude
Paradoxalement, les demandes de bourses d'étude n'ont pas augmenté, selon les offices cantonaux compétents en Suisse romande. Les demandes sont aussi stables auprès des services sociaux universitaires. Il est toutefois encore tôt pour dégager une quelconque tendance sur l'année académique. À Fribourg ou en Valais, par exemple, les personnes en formation au niveau tertiaire déposent leurs demandes de bourse entre mi-septembre et mi-décembre.
Pour l'heure, les cantons ne prévoient pas d'adapter les montants, ni d’autres actions de soutien aux bénéficiaires. Car les lois sur les aides à la formation ne contiennent, en réalité, pas de mécanisme automatique en lien avec l'inflation. Des réflexions sont en cours au niveau des universités et des associations pour adapter leurs fonds d'aide.
Les syndicats rappellent par ailleurs que les bourses d'étude représentent seulement 4% des revenus des étudiants et étudiantes en Suisse.