Elles sont même de plus en plus nombreuses. Désormais, une femme sur cinq travaille encore à 65 ans.
Tout dépend du secteur d’activité des personnes. Dans les banques et les assurances, il n'y a quasiment plus de femmes actives après l'âge légal de la retraite. Elles sont même plutôt friandes de préretraite. C’est dans la santé, le social et la culture notamment, que l'on retrouve le plus de femmes au travail après l'âge de la retraite.
Selon un sondage d'avant pandémie, la majorité des hommes et des femmes qui continuent à travailler après l'âge de la retraite le font parce qu'ils aiment leur activité. Et ils sont un peu plus de 17% à invoquer des raisons financières.
Par passion et nécessité
Au micro de La Matinale de la RTS, Fabienne Beaud, 66 ans, chasseuse de tête depuis plus de 40 ans, coach en entreprise, raconte son parcours professionnel, un bon exemple de ce que peut être la carrière d'une travailleuse de plus de 64 ans. Elle passe ce cap légal en pleine épidémie de Covid. Mais l’entrepreneuse poursuivit son activité. Par passion, mais pas seulement.
Comme la moitié des femmes, son deuxième pilier est famélique. Sa retraite, au total, s'élève à moins de 2500 francs par mois, et elle habite Genève. Travaillant depuis 45 ans, elle se trouve malgré tout en situation difficile. Plusieurs facteurs expliquent ses difficultés: elle est indépendante, elle a travaillé à temps partiel et elle est une mère divorcée.
Elle revendique cependant fièrement son indépendance. "Je n'ai jamais demandé de pension pour moi, et à l'époque, quand on divorçait, on n'avait pas le droit à la moitié du deuxième pilier du conjoint. Donc, j'estime être assez féministe dans l'âme et surtout je revendique une indépendance d'enfer. Mais l'indépendance a son prix, et c'est un prix qui coûte très cher".
"On est regardé comme des dinosaures"
Le monde du travail en 2022 n’est pas une sinécure pour Fabienne Beaud. Elle sent le décalage, le regard des jeunes cadres. "C'est très difficile de poursuivre son travail après 64 ans parce qu'on n'est pas dans la génération des 30-40 ans et ça se ressent à tous les niveaux, que ce soit au travail, en politique, ou sur le plan relationnel", regrette-t-elle. "Quand on prend des années, on est regardé comme des dinosaures plutôt que comme quelqu'un qui peut amener une plus-value."
Sujet radio: Sandrine Hochstrasser
Adaptation web: Julien Furrer
Penser la réintégration des retraités?
Le problème de cohabitation intergénérationnelle dans le monde de l'entreprise - indépendamment du sexe ou du genre du travailleur -Thomas Deburggraeve, membre de la direction du groupe Interiman, a décidé de le prendre à bras le corps. Parmi ses nombreuses agences de placement, il planche sur la création d'une nouvelle société qui serait spécialisée dans le recrutement des plus de 65 ans. La réforme de l'AVS 21 faciliterait ses desseins.
Au micro de La Matinale lundi, il s'explique: "On s'aperçoit aujourd'hui qu'avec la pyramide des âges, toute la génération baby-boomer va arriver à la retraite d'ici 3 à 10 ans maximum. On voit aussi qu'on est en présence de tensions avec le Covid ou la crise en Ukraine qui conduisent à des pénuries fortes (...). Plutôt que d'être passif et attentiste, on va être précurseur et innovant, et on va anticiper ce besoin de main d'oeuvre qui va arriver (...). Donc, on va être comme un aimant pour attirer un maximum de personnes à la retraite", espère-t-il.
Pour Thomas Deburggraeve, "on est tous le dinosaure de quelqu'un". Il faut donc "manager les générations" pour les faire, à l'avenir, cohabiter au travail. Selon lui, "les pays sources d'immigration dans le passé ou aujourd'hui ont un niveau de vie qui augmente, donc leur population n'a plus envie de venir s'implanter en Suisse. Ainsi, on n'a plus d'autres choix que d'être innovant sur cette nouvelle main d'oeuvre", à la manière des Etats-Unis, un pays "mature (...) où on n'est plus surpris d'être servi par des personnes agées", s'enthousiasme le cadre d'Interiman.