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Emmanuel Raffner: "On est devant un risque majeur de récession"

Emmanuel Raffner, directeur général de Lauener & Cie SA
Emmanuel Raffner, directeur général de Lauener & Cie SA / Big Boss / 22 min. / le 26 septembre 2022
La facture d'électricité qui explose, c'est le stress du moment pour les entreprises. Directeur de la PME Lauener, spécialisée dans le décolletage, Emmanuel Raffner est touché de plein fouet par cette problématique, a-t-il confié lundi dans l'émission Big Boss.

L'entreprise neuchâteloise Lauener, c'est 130 employés, 200 machines, mais aussi plus de 100 millions de pièces produites chaque année, principalement pour l'horlogerie et le secteur médical: appareils auditifs, implants orthopédiques ou pièces pour la chirurgie cardiaque ou l'ophtalmologie.

Cette entreprise est aussi une grande consommatrice d'électricité, avec des machines qui tournent souvent de jour comme de nuit.

Pour Emmanuel Raffner, les récentes hausses ont donc tout de suite eu un impact significatif: "Dans le budget de l'entreprise, l'électricité représentait 1% de nos charges en 2021 et on dépasse les 5% en 2022 et probablement la même chose en 2023 (...) la facture du mois d'août pour Lauener, c'est 140'000 francs contre 180'000 pour une année entière en 2021", explique-t-il.

"Une situation plus grave que le Covid"

Pour l'entrepreneur originaire d'Alsace mais naturalisé suisse, la situation actuelle est nettement plus grave que pendant la pandémie. "Nous sommes devant une problématique majeure. Il faudra d'énormes investissements pour amener nos entreprises à répondre aux objectifs de développement durable, avec des risques de pénuries et, pour certaines entreprises, des factures d'électricité qui peuvent aller jusqu'à l'obligation de fermeture", détaille-t-il encore.

Concernant Lauener, Emmanuel Raffner mise pour l'instant sur des efforts d'économie d'énergie pour contrer la hausse de l'électricité. Des efforts qu'il juge "réels" mais néanmoins "marginaux" face à l'augmentation actuelle des prix et l'idée d'une possible pénurie.

Il n'est néanmoins pas question pour lui d'envisager des licenciements. "Nous manquons de main d'oeuvre. La dernière chose dont on a envie, c'est de se séparer de nos équipes."

Des problématiques multiples et un risque de récession

Au-delà des prix de l'électricité, le directeur de Lauener décrit une situation où tout est en train d'augmenter. Les salaires doivent augmenter pour suivre l'inflation, mais "il y a également le coût des matières premières qui augmente, le coût des outillages, celui des machines, et globalement, l'ensemble de tous les approvisionnements qu'on peut avoir dans une entreprise (...) on se retrouve donc cette année avec une croissance de nos charges de presque 15%", affirme-t-il.

D'un naturel optimiste, Emmanuel Raffner est inquiet et souhaite surtout une prise de conscience. Si les pénuries annoncées se confirmaient, il ne verrait d'autre possibilité que la fermeture d'usines. "Si par exemple, il fallait soudainement au mois de mars, économiser 20% d'électricité, dans notre industrie, le seul moyen serait de fermer."

Au niveau global, celui qui est également président de la Chambre du commerce et de l'industrie neuchâteloise craint même une récession. "Aujourd'hui, la seule bonne nouvelle sur notre compte de résultats, c'est le chiffre d'affaires et le carnet de commandes qui est plein et qui s'annonce encore bon pour 2023, mais ça peut se retourner très vite. C'est ce qui permet de tenir, en plus de réserves qu'on a pu faire par le passé. Je pense que si la situation continue au-delà de deux ans, nous sommes devant un risque majeur de récession et de mise en danger de la survie des entreprises", conclut-il.

>> Le portrait d'Emmanuel Raffner:

Propos recueillis par Patrick Fischer

Adaptation web: Tristan Hertig

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