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L'irrésistible avancée du dollar fait craindre le pire pour d'autres devises

La Fed a relevé ses taux afin d'éviter une trop forte inflation. Image d'illustration. [Keystone - Daniel Irungu]
La Fed a relevé ses taux afin d'éviter une trop forte inflation. Image d'illustration. - [Keystone - Daniel Irungu]
L'ascension fulgurante du dollar américain, qui enchaîne record sur record face à de nombreuses devises, fait craindre la défaillance d'une monnaie et une crise majeure, comme le monde n'en a plus connu depuis l'épisode asiatique de 1997.

Dopé par la brusque remontée des taux de la Banque centrale américaine (Fed) et une économie encore vigoureuse, le billet vert a plongé dans des profondeurs rarement atteintes la livre sterling, mais plus loin encore la roupie indienne, la livre égyptienne ou le won sud-coréen.

"Les mouvements sont clairement extrêmes", résume Brad Bechtel, de Jefferies. "Et le dollar peut aller encore beaucoup plus loin. Donc, on pourrait se retrouver dans une situation désastreuse" pour certaines devises.

>> A consulter: l'évolution du dollar face à la livre sterling sur 10 ans

Le volontarisme de la plupart des banques centrales engagées, comme la Fed, dans un durcissement monétaire n'y a pas fait grand-chose jusqu'à présent, pas plus que l'intervention directe du Japon sur le marché des changes pour soutenir le yen la semaine dernière.

>> Lire aussi : La Fed relève ses taux et s'attend à une croissance quasi nulle

La livre sterling emprunte un chemin similaire

Beaucoup craignent qu'il en soit de même pour l'intervention de la Banque d'Angleterre, dont l'annonce mercredi du rachat d'obligations britanniques à donné des ailes à la livre sterling.

"Nous avons quelques doutes sur le fait que le plan de la Banque d'Angleterre soit la solution définitive à l'anxiété qui met la livre et le marché obligataire britannique sous pression", a commenté Patrick O'Hare, de Briefing.com.

Si le Royaume-Uni est en mauvaise posture, d'autres le sont encore bien davantage au sein des pays émergents.

>> En savoir plus : Le taux d'inflation au Royaume-Uni a franchi en juillet la barre des 10%

Conséquences sur les pays du sud

La roupie pakistanaise a perdu 29% de sa valeur en un an face au "greenback", l'un des surnoms du dollar, et la livre égyptienne, 20%. Pakistan, Egypte, Sri Lanka ou Bangladesh "souffrent tous de liquidités moins abondantes au niveau mondial", relève Win Thin, de BBH Investor Services.

L'envolée des prix du pétrole et des céréales, dont ils sont grands importateurs, a creusé leur déficit commercial et augmenté l'inflation, deux poisons pour leurs monnaies. L'appréciation du dollar a encore accentué ce phénomène car beaucoup de matières premières sont libellées dans cette devise.

"Ces pays aux taux les plus faibles seront vraisemblablement les premiers à être testés" au cas où la température monterait encore sur le marché des changes, anticipe Win Thin. De son côté, Adam Button, spécialiste en analyse des devises pour ForexLive, avertit : "Il y a une énorme pression sur le système financier actuellement et ce n'est qu'une question de temps avant qu'il n'y ait une crise majeure ailleurs dans le monde".

Les Etats-Unis temporisent

Quant à Taïwan, la Thaïlande ou la Corée du Sud, tous également très dépendants sur le plan énergétique, la politique zéro-Covid de la Chine a fait dégringoler leurs exportations vers ce partenaire commercial crucial et le ralentissement économique mondial menace l'ensemble de leurs échanges.

Si la taille de leurs économies leur donne une assise supérieure à leurs voisins, Chine et Japon ont contribué, ces dernières semaines, aux turbulences sur le marché des changes. Le yen japonais et le yuan chinois ont ainsi plongé récemment à un des taux des plus bas depuis respectivement 24 et 14 ans.

>> A lire aussi : Les sanctions menacent l'hégémonie du dollar, estime un expert du FMI

Similitudes avec la crise de 1997

La crainte d'une déstabilisation ravive le souvenir de la crise asiatique de 1997, qui avait été déclenchée par la dévaluation du baht thaïlandais.

Malaisie, Philippines et Indonésie avaient suivi, ce qui avait paniqué les investisseurs étrangers et entraîné des retraits massifs, au point de pousser plusieurs pays du continent en récession et la Corée du Sud au bord du défaut de paiement.

Pour Erik Nielsen, de Wells Fargo, la différence notable avec 1997 est qu'"il n'y a pas beaucoup de parités fixes aujourd'hui, au moins parmi les grands pays émergents". A l'époque, l'effondrement du baht était ainsi, en partie, lié à sa parité fixe avec le dollar, qui l'obligeait à soutenir sa monnaie au risque d'épuiser ses réserves de changes, un arrêt de mort pour une devise.

Parmi les rares à arrimer encore sa monnaie au billet vert, le Liban a annoncé jeudi une dévaluation brutale de la livre libanaise, qui passe à 15'000 livres pour un dollar, au lieu du taux actuel de 1507. La monnaie nationale, fixée officiellement depuis 1997 au taux de 1507 livres pour un dollar, a perdu depuis 2019 environ 95% de sa valeur.

Le dollar s'échangeait toutefois jeudi aux alentours de 38'400 livres sur le marché noir.

Le Liban connaît l'une des pires crises économiques au monde depuis 1850 selon la Banque mondiale, marquée par une flambée vertigineuse des prix, une dégringolade historique de la devise nationale, une paupérisation inédite de la population et de graves pénuries.

>> Ecouter le reportage de Tout un monde sur l'extrême pauvreté au Liban qui pousse les habitants à l'exil :

Une femme libanaise s'inquiète de la disparition de son fils en mer lors d'une tentative de rejoindre l'île de Chypre par bateau. [Keystone/AP Photo - Hussein Malla]Keystone/AP Photo - Hussein Malla
Au Liban, l’extrême pauvreté pousse la population à fuir dangereusement par la mer / Tout un monde / 4 min. / le 30 septembre 2022

Moins de pression inflationniste

Seuls les Etats-Unis paraissent en mesure de faire redescendre la température mais "avec l'inflation si élevée aux Etats-Unis, la Fed voit le dollar fort comme une bénédiction", selon Christopher Vecchio, de DailyFX. "Il contribue à isoler l'économie (américaine) de pressions inflationnistes supplémentaires": le pays paie moins cher ses produits importés.

Le resserrement monétaire mené par la banque centrale américaine (Fed) ne provoque pas de "désordre" sur les marchés financiers, a estimé mardi la secrétaire au Trésor américaine Janet Yellen. Néanmoins, Adam Button estime que la question à poser, "c'est jusqu'à quel point les choses doivent se détériorer avant que la Fed ne pivote ?"

>> Écouter l'épisode du Point J sur l'inflation :

LPJ [Pexels - Eduardo Soares]Pexels - Eduardo Soares
Le point J - À quoi l’inflation est-elle due ? / Le 12h30 / 12 min. / le 24 septembre 2022

ats/rad

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