De retour à Vienne pour la première fois depuis le début du Covid, les treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) menés par l'Arabie saoudite et leurs dix partenaires conduits par la Russie ont voulu marquer le coup. A l'issue d'une brève rencontre mercredi, ils ont convenu d'une baisse de 2 millions de barils par jour, pour le mois de novembre.
Cette baisse de production, la plus importante depuis le début de la pandémie, va probablement augmenter les prix, alors que les consommateurs poussaient enfin un soupir de soulagement, face aux prix à la pompe qui commençaient à diminuer.
La Maison Blanche a aussitôt réagi mercredi, dénonçant un "alignement du cartel" avec la Russie. Cette décision est un nouveau coup dur pour les Etats-Unis, qui voient l'Arabie saoudite, traditionnelle alliée, se rapprocher de plus en plus de la Russie.
L'énergie comme arme de guerre?
"Pourquoi cette organisation agit-elle contre les Etats-Unis et l'Europe? Pourquoi l'OPEP tente de prendre le monde entier en otage?" a demandé une journaliste de CNBC, à l'issue de la rencontre. "Montrez-moi où se trouve l'acte de belligérance", a rétorqué le prince Abdulaziz bin Salman, ministre saoudien de l'Énergie.
Face aux relances de la journaliste, le secrétaire général de l'OPEP Haitham al-Ghais a soutenu: "Nous ne mettons pas en danger la sécurité du marché. Nous apportons de la sécurité, de la stabilité au marché de l'énergie". A quel prix? "Tout a un prix. La sécurité de l'énergie a aussi un prix".
Une manière de défendre leur prix
Malgré les nombreux appels des Occidentaux désireux de freiner l'envolée des prix, l'OPEP+ fait front commun dans le refus d'ouvrir largement les vannes de l'or noir.
Selon Malik Zetchi, analyste financier chez Pictet Wealth Management, la décision de l'OPEP+ vise avant tout des fins stratégiques économiques: "Ces prix plus élevés vont permettre aux sociétés pétrolières d'investir avec une certaine visibilité. C'est une manière de défendre leur prix et ne pas laisser la crise économique prendre le dessus sur les prix du pétrole".
Au 19h30 de la RTS, il décrypte tout de même également les considérations géopolitiques, qui ont dû certainement se jouer en trame de fond: "Les Etats-Unis sont en train de relâcher du pétrole sur les marchés, ce qui ne plaît pas non plus à l'OPEP", précise le spécialiste.
A l'avantage de la Russie
En tout cas, pour le Kremlin, cette coupe arrive à point nommé. Moscou est confronté à l'entrée en vigueur de l'embargo européen sur le pétrole russe début décembre, et à la possible mise en place de mécanismes de plafonnement des prix par l'Union européenne et le G7.
En tirant les cours vers le haut, la Russie pourrait ainsi maximiser ses revenus tirés des exportations de brut, notamment vers l'Inde et la Chine.
Quant aux perspectives économiques pour l'Europe, elles ne sont pas réjouissantes, craint Malik Zetchi: "Ce n'est pas bon pour l'inflation, que les banques centrales vont devoir combattre. Donc ce n'est pas bon pour les marchés, ni pour l'économie".
Feriel Mestiri, Delphine Gianora
L'OPEP+, une alliance russo-saoudienne qui se stabilise
Créée en 1960 avec le but de réguler la production et le prix du brut en instaurant des quotas, l'Opep s'est étendue en 2016 à la Russie et à d'autres partenaires pour former l'Opep+.
Dans un geste historique, les membres de l'alliance avaient décidé au printemps 2020 des coupes de près de 10 millions devant l'effondrement de la demande liée à la pandémie de Covid-19.
Une déclaration avait alors été signée, que l'Opep+ a décidé mercredi d'étendre "jusqu'à fin 2023", signe de la "cohésion" de l'alliance vantée par le prince saoudien, qui n'a pas été ébranlée par la guerre en Ukraine.
La prochaine réunion est prévue le 4 décembre, avant le retour à un rythme semestriel comme avant la pandémie.