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Comment un simple tweet a fait trembler Credit Suisse

Twitter, ou quand les réseaux font trembler la bourse: interview de Thomas Veillet
Twitter, ou quand les réseaux font trembler la bourse: interview de Thomas Veillet / Forum / 6 min. / le 7 octobre 2022
L'action de Credit Suisse a dévissé ces derniers jours en raison des perspectives moroses qui s'accumulent pour la grande banque, mais aussi et surtout en raison d'un tweet qui a mis en doute sa capacité à éviter de sombrer. Analyse du phénomène avec le consultant financier Thomas Veillet, interrogé dans Forum.

Il a suffi d’un tweet: les rumeurs de faillite qui touchent actuellement la banque Credit Suisse sont en grande partie dues à un court message d'un journaliste australien le 1er octobre dernier. Il y annonçait qu'une "banque d'investissement internationale" était "au bord du gouffre", sans préciser sa source.

Le tweet du journaliste australien David Taylor qui a conduit à la chute de l'action Credit Suisse. [Twitter - Capture d'écran]
Le tweet du journaliste australien David Taylor qui a conduit à la chute de l'action Credit Suisse. [Twitter - Capture d'écran]

Depuis, le message a été effacé, mais il aura eu l'effet que l'on connaît: l'action de Credit Suisse a chuté à son plus bas niveau historique, à un peu plus de 3,50 francs.

>> Voir aussi les explications du 19h30 :

Credit Suisse: l'action s'effondre mais la banque reste solide estiment deux spécialistes de la finance
Credit Suisse: l'action s'effondre mais la banque reste solide estiment deux spécialistes de la finance / 19h30 / 2 min. / le 9 octobre 2022

>> Lire à ce sujet : L'action de Credit Suisse atteint un nouveau record négatif

Une tendance naturelle à surréagir

Face à ces rumeurs lancées sur les réseaux sociaux, la finance n’est-elle pas trop fragile? "Il y a toujours un côté très spéculatif, très joueur" dans ce milieu, a relevé vendredi soir dans l'émission Forum Thomas Veillet, consultant financier et cofondateur du site investir.ch.

Mais pourquoi avoir accordé une telle importance à un simple tweet? "C'est le grand classique de la finance! On a toujours tendance à surréagir à peu près sur tout", concède le spécialiste. Mais le climat actuel dans le monde n'a pas aidé. "On est dans une phase financière où ça ne va pas bien. Les marchés ont perdu plus de 25% depuis une année. On est en phase de correction majeure. Alors quand vous racontez qu'une banque d'affaires est potentiellement en train de faire faillite, ça suffit pour mettre le feu aux poudres", a-t-il expliqué.

On est dans une phase financière où ça ne va pas bien (...) Alors quand vous racontez qu'une banque d'affaires est potentiellement en train de faire faillite, ça suffit pour mettre le feu aux poudres

Thomas Veillet, consultant financier et co-fondateur du site investir.ch.

Surréaction il y a donc eu. "Mais quand on a un niveau de peur comme aujourd'hui sur les marchés, il suffit de pas grand-chose pour que tout le monde commence à paniquer", résume Thomas Veillet, pour qui la mésaventure de Credit Suisse n'est "pas franchement surprenante historiquement parlant".

>> Lire aussi : La situation économique de Credit Suisse n'est pas "critique", selon Dusan Isakov

Twitter, une tribune offerte à tout le monde

"On est dans un monde moderne, technologique, beaucoup plus rapide, qui a des conséquences", analyse-t-il. "Aujourd'hui, avec Twitter, une tribune est offerte à tout le monde. N'importe qui peut avoir un compte et des abonnés suffisants pour avoir un impact, la preuve avec ce journaliste australien que personne ne connaît", note-il en faisant référence au journaliste d'ABC (Australian Broadcasting Corporation) ayant publié le message.

Peu importe, donc, que la personne à l'origine du tweet ait fait ses preuves dans le domaine de la finance. "Si vous avez un million de followers, que vous vous appelez Nabilla ou Kim Kardashian et que vous faites le même type de tweet, je suis persuadé que ça marchera aussi", ose même Thomas Veillet.

N'importe qui peut avoir un compte et des abonnés suffisants pour avoir un impact, la preuve avec ce journaliste australien que personne ne connaît

Thomas Veillet

Une régulation pas pour demain

Pour le consultant financier, les réseaux sociaux sont un "mal existentiel" d'aujourd'hui, et il faut apprendre à vivre avec. Il ne croit d'ailleurs pas à leur régulation prochaine, même si, reconnaît-il, il y a déjà eu des cas pratiques dans le domaine de la finance.

Il y a quelques années, Elon Musk avait par exemple tweeté qu'il allait racheter Tesla alors qu'il n'avait pas encore fait la moindre démarche concrète pour le faire, causant une montée en flèche du titre. Il avait été amendé par les autorités financières américaines à hauteur de 40 millions. "Mais, relève Thomas Veillet, quand vous pesez 200 milliards, ai-je besoin de vous dire ce que ça vous fait au porte-monnaie?"

>> Lire aussi : Elon Musk devra continuer à faire valider ses tweets portant sur Tesla

Propos recueillis par Tania Sazpinar
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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La course à l'information est dans l'ADN de la finance

Les réseaux sociaux sont-ils en train de changer profondément le monde de la finance? Pour Thomas Veillet, pas tellement: "Avant Twitter ou Facebook, les rumeurs courraient par téléphone et faisaient un peu le même effet", tempère le cofondateur d'investir.ch.

"Dans la finance, le nerf de la guerre, c'est l'information. Que ce soit sur Twitter ou dans article qui va être publié officiellement le lendemain dans le Wall Street Journal, si vous l'avez eu une heure avant qu'il ne paraisse dans le journal, vous avez une information avantageuse par rapport au reste".

Avant Twitter ou Facebook, les rumeurs courraient par téléphone et faisaient un peu le même effet

Thomas Veillet

Au point que, selon lui, la personne qui a eu le tweet du journaliste australien en premier et qui a pu jouer le Credit Suisse à la baisse a gagné 10-15% le lundi matin. Et ce, "que la nouvelle soit vraie ou fausse!", souligne-t-il encore.

Ces aléas ont cependant toujours fait partie du jeu et il est difficile d'envisager une régulation. "Quand vous avez une information qui vous avantage dans le marché, vous allez vous dire: 'je suis très fort, je suis bien informé, je suis donc un très bon professionnel'. Par contre, si vous n'avez pas l'information, vous trouvez ça scandaleux", résume Thomas Veillet.