Le principe de production repose sur une réaction thermochimique: dans un réacteur chauffé par le soleil à 1500 degrés, les molécules d'eau et de CO2 préalablement capturées se recomposent en oxygène et en gaz synthétique. Ce "syngas" peut ensuite être transformé en carburants chimiquement identiques aux carburants d'origine fossile. A leur différence, ils n'émettront en brûlant que le CO2 capturé pour leur fabrication. Dans un premier temps, la production passera par l'utilisation de biométhane, mais l'objectif reste de ne recourir qu'à du CO2 et de l'eau.
Les chercheurs suisses de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, devenus depuis entrepreneurs, ont lancé leur projet en 2014. De quelques gouttes à cette époque, ils peuvent produire à présent de centaines de milliers de litres par année. Objectif affiché: 875 millions de litres en 2030, soit la moitié des besoins annuels suisses en carburants d'aviation puis 50 milliards de litres par année en 2040.
"Nous pouvons facilement multiplier par 10 ou 20 la taille et la puissance de notre réacteur, après quoi, nous pourrons en multiplier le nombre", détaille Philipp Furler, cofondateur et CEO de Synhelion. Cette technologie sera surtout rentable dans les zones très désertiques, comme en Australie.
Augmenter la production pour réduire le prix
Grandir est indispensable à cette technologie pour réduire massivement les coûts de production. Actuellement, le prix de ce carburant synthétique est quatre fois supérieur au prix du kérosène pétrolier. Mais le litre pourrait bientôt sortir du soleil à 1 euro, avance l'entreprise.
"Pour 2030, 2031, lorsque nous ferons environ la moitié du carburant pour la Suisse, nous devrions arriver au prix d'un franc", précise l'autre cofondateur et CEO de Synhelion, Gianluca Ambrosetti. Afin d'atteindre cet objectif, l'entreprise pionnière dans le domaine a besoin de milliards de francs d'investissement.
Swiss dans le coup
La compagnie aérienne Swiss y croit et entend faire sa part, d'autant plus que ce nouveau kérosène ne nécessite pas de changer la technologie des réacteurs des avions.
"Pour essayer de réduire les prix des carburants et pour qu'ils soient un peu plus économiques, il faut augmenter la production. C'est ce que nous avons comme but avec Synhelion", déclare Dieter Vranckx, directeur général de Swiss.
D'ici moins de deux ans, la compagnie aérienne helvétique injectera ce kérosène dans ses avions, avec comme but de tenir ses objectifs en matière de réduction des émissions de CO2. "Nous voulons réduire nos émissions d'au moins 50% d'ici 2030. Cette collaboration est déterminante dans notre stratégie", explique encore le dirigeant. Pour cela, une nouvelle centrale sera construite à proximité du site allemand de Jülich.
La route est courte d'ici 2050 pour emmener l'aviation mondiale vers le zéro carbone, mais les moyens d'y arriver existent.
Pascal Jeannerat/jfe