Credit Suisse compte réduire ses coûts de 15% ou 2,5 milliards de francs afin de ramener ses frais de fonctionnement à quelque 14,5 milliards d'ici 2025. De ce montant, 1,2 milliard doivent être économisés l'année prochaine.
Ces mesures d'économies auront un impact sur l'emploi, la banque comptant réduire ses effectifs de 9000 postes d'ici le troisième trimestre 2025. Une réduction de 2700 équivalents temps plein est actuellement en cours. En Suisse, le nombre de postes devrait être réduit d'environ 2000 à 14'000 emplois.
La banque compte aussi réduire de 50% ses coûts de consultants et de 30% ses dépenses auprès des sous-traitants.
Une "grosse restructuration"
Jusqu'à présent, le numéro deux bancaire helvétique n'avait rien laissé filtrer de ses projets de remaniements, malgré la pression des marchés et les nombreuses rumeurs relayées par la presse.
Credit Suisse va au-devant d'une "grosse restructuration" qui va demander du temps. "Il faut s'attendre à avoir des coûts de restructuration importants sur les deux prochaines années. Il y a un risque d'exécution qui demeure", analyse Jean-Paul Jeckelmann, directeur Développement et immobilier de la banque Bonhôte, jeudi dans La Matinale de la RTS. Mais le risque de faillite de Credit Suisse est "inexistant".
Banque d'affaires dans le viseur
Concernant sa banque d'affaires en difficultés, la direction s'est engagée à "prendre des mesures décisives pour restructurer" cette entité qui doit désormais se concentrer sur son coeur de métier. Ces mesures doivent permettre de réduire les actifs risqués de 40% d'ici trois ans, a détaillé la banque aux deux voiles dans un communiqué.
La nouvelle entité créée CS First Boston, comprenant les activités de marchés des capitaux et de conseil, doit quant à elle agir de manière autonome. L'administrateur Michael Klein, qui va quitter le conseil d'administration, doit devenir l'année prochaine le directeur général CS First Boston.
"Credit Suisse va enfin restructurer sa banque d'investissement et pendre le taureau par les cornes pour s'affranchir de cet héritage du début des années 2000, où la banque d'investissement était toute puissante", souligne Jean-Paul Jeckelmann.
Directeur de la banque d'affaires sur le départ
Le groupe veut également créer une unité de défaisance pour ses activités déficitaires, la Capital Release Unit (CRU), comprenant les activités de produits titrisés, Prime Services, des activités de prêts dans certains pays émergents et la présence de l'établissement dans certains pays. L'unité sera dirigée par Louise Kitchen.
Credit Suisse a par ailleurs conclu un accord pour transférer un partie importante de son unité en charge de la titrisation, Securitized Products Group (SPG), à un groupe d'investisseurs dirigés par l'américain Apollo Global Management. Cet accord doit être finalisé au premier semestre 2023.
Arrivé en 2020, le patron de la banque d'affaires Christian Meissner va quant à lui quitter l'établissement avec effet immédiat.
"Credit Suisse n'a retrouvé personne pour cette 'opération de dérisquage', qui est problématique. Car il est difficile de connaître aujourd'hui les risques qui se trouvent au sein de cette banque", estime Henry Peter, professeur de droit bancaire et financier à l'Université de Genève, jeudi dans La Matinale de la RTS.
CS va lever 4 milliards de francs
L'établissement compte lever quelque 4 milliards de francs par l'émission de nouvelles actions, notamment auprès de Saudi National Bank qui s'est engagé à hauteur de 1,5 milliard ou 9,9% du capital-actions. Credit Suisse table sur des coûts de 2,9 milliards jusqu'à fin 2024.
Selon Jean-Paul Jeckelmann, il s'agit d'une "mauvaise nouvelle" pour Credit Suisse qui souhaitait "ne pas trop diluer le capital" entre les actionnaires actuels. "Quand les banques cherchent des montants importants, elles se tournent vers des investisseurs ayant un certain appétit pour les actifs bancaires, explique-t-il. C'est le cas du Moyen-Orient. Lors de la crise de 2008, c'est le Qatar (il possède 5% de Credit Suisse, n.d.l.r.) qui avait soutenu la banque et amené du financement."
Jean-Paul Jeckelmann se veut toutefois rassurant: "Avec 10% du capital, on ne fait pas la loi. Credit Suisse reste une banque ancrée en Suisse."Jusqu'à présent, le numéro deux bancaire helvétique n'avait rien laissé filtrer de ses projets de remaniement, malgré la pression des marchés et les nombreuses rumeurs relayées par la presse.
Credit Suisse avait cependant laissé entendre qu'il comptait devenir "plus concentré et plus agile". La gestion de fortune et les activités helvétiques devaient être renforcées, alors que la banque d'affaires devait subir une cure d'amaigrissement, avait précédemment indiqué le groupe.
>> L'interview de Michel Girardin, chargé de cours en économie à l’Université de Genève:
Grosse perte au 3ème trimestre
Credit Suisse a essuyé une perte nette de 4,03 milliards de francs au troisième trimestre, après un bénéfice de 434 millions un an plus tôt. Il s'agit de la quatrième perte trimestrielle d'affilée pour la deuxième banque helvétique et elle est largement supérieure aux prévisions des analystes, qui tablaient en moyenne sur -602 millions.
Le produit d'exploitation a atteint 3,80 milliards de francs, en ligne avec les pronostics. Si la banque d'affaires a essuyé une perte de 666 millions, la gestion de fortune a enregistré un gain avant impôts de 21 millions, les activités en Suisse de 383 millions et la gestion d'actifs de 90 millions.
Ces nouvelles ont été mal accueillies par les investisseurs. L'action CS a clôturé la séance sur une chute de 18,6%, à 3,877 francs suisses, pesant sur le SMI, l'indice de référence de la Bourse suisse, qui a fini en baisse de 1,02%.
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furr avec ats
Nombreux déboires
Credit Suisse a fait face ces dernières années à de nombreuses difficultés, avec notamment un chamboulement continu de sa direction.
L'établissement cumule aussi d'autres soucis. La débâcle du fonds spéculatif américain Archegos a coûté plus de 5 milliards de francs à la grande banque. Cette dernière est également empêtrée dans la liquidation des fonds Greensill, du nom de la société britannique d'affacturage en faillite, où elle était initialement exposée à hauteur de 10 milliards de dollars.
L'année dernière, Credit Suisse avait souffert en particulier de ces deux scandales, subissant une perte nette de 1,6 milliard de francs.
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L'Association suisse des employés de banque souhaite des explications
Interviewé jeudi dans le 12h30, Clément Dubois a jugé qu'il s'agissait-là "d'une diminution considérable de l'effectif de la banque".
Le responsable romand de l'Association suisse des employés de banque espérant quand même que la Suisse serait moins touchée, car "les affaires marchent plutôt bien" dans le pays.
"Nous attendons donc et demandons à Credit Suisse des explications sur la suppression de ces 2000 postes en Suisse", ajoute-t-il encore.