Dès les premiers échanges, l'action a piqué du nez, les investisseurs s'inquiétant aussi bien de sa perte au troisième trimestre qui a gonflé à 4 milliards de francs, des retraits de fonds de clients et de son augmentation de capital qui va se dérouler dans un contexte peu porteur pour le secteur bancaire.
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L'action a clôturé la séance sur une chute de 18,6%, à 3,877 francs suisses, pesant sur le SMI, l'indice de référence de la Bourse suisse, qui a fini en baisse de 1,02%.
"La réaction est négative, ce qui n'est pas bon. Je pense que les marchés attendaient des choses plus drastiques", a estimé l'avocat et professeur de droit bancaire à l'Université de Lausanne Carlo Lombardini.
"De mauvaises annonces"
Il estime dans l'émission Forum que l'annonce de Credit Suisse "n'a clairement pas convaincu les investisseurs, le cours de l'action le démontre. Et l'expérience de la crise de 2008 a montré que les marchés d'actions lisaient, malheureusement, très bien l'avenir."
Le spécialiste précise: "Ce sont des mauvaises annonces. Avoir un actionnaire saoudien à 9,9%, alors qu'on a des acteurs financiers de grande qualité dans le monde entier, qui ont à l'évidence décidé de ne pas investir, est une très mauvaise nouvelle. Pire que tout, c'est la perte trimestrielle, qui montre que la banque n'arrive pas à générer des revenus pour couvrir ses coûts."
"Pas une situation où il faut faire appel à l'Etat"
Également invité dans Forum, Jérôme Schupp, analyste financier chez Prime Partners, se montre moins pessimiste. Il voit des avantages à l'arrivée des fonds saoudiens: "C''est un actionnaire sur le long terme, qui donnera probablement du temps à Credit Suisse." Il reconnaît toutefois que le plus dur reste à faire: "Maintenant, il faudra mener cette restructuration. Annoncer un plan, c'est facile, l'appliquer, c'est beaucoup plus difficile."
L'expert écarte le risque de faillite de Credit Suisse. "Les sorties de fonds de la clientèle sont pour l'instant relativement maîtrisables, il n'y en a pas tant que ça. Il faudra observer ce qui se passe ces prochains trimestres pour voir si le groupe a convaincu ou non ses clients de rester. On n'est clairement pas dans une situation où il faudrait faire appel à l'Etat dans le court terme."
"Une bonne décision" mais aussi "un aveu d'échec"
Dusan Isakov, professeur de finance et de gouvernance d'entreprise à l'Université de Fribourg, a estimé jeudi dans le 19h30 que la restructuration de Credit Suisse était une bonne décison.
"Credit Suisse a eu tellement de problèmes avec cette banque d'investissement qu'il était nécessaire de la redimensionner afin d'avoir moins de risques et de partir sur des bases un peu plus saines", a-t-il analysé.
A ses yeux, cette restructuration est toutefois aussi "un aveu d'échec". "De toute manière, l'échec était visible de toutes et tous depuis longtemps. Les affaires se sont enchaînées, on a changé les dirigeants, rien n'y a fait".
asch avec afp
L'impact sur les caisses de pension "reste marginal"
La plupart des caisses de pension suisses détiennent des parts de Crédit Suisse. Ainsi, l'état de santé de la banque a un impact sur presque toutes les personnes en Suisse.
Invité de l'émission Forum vendredi soir, Vincent Kaufmann, directeur de la fondation ETHOS - spécialisée dans l'investissement socialement responsable - a déploré les déboires de la banque.
"On a déjà tous énormément perdu avec cette banque lors de ces dix dernières années. Rien que cette année, avant l'annonce de restructuration d'hier, le cours est tombé de 50%", a-t-il rappelé.
"Heureusement, j'ai envie de dire, Crédit Suisse a déjà tellement perdu en valeur ces dernières années que sur l'ensemble des placements du deuxième pilier, ça reste marginal. Mais c'est quand même là, et c'est dramatique ce qui est en train de se passer".
Qui est Ulrich Körner?
"C'est un personnage qui dégage une impression de rigueur, de sérieux, d'une certaine austérité", décrit Yves Genier, auteur du livre "Scandales chez Credit Suisse", dans La Matinale. Le troisième directeur général de la banque en trois ans, Ulrich Körner, est le premier à prendre véritablement la mesure de la situation.
Ainsi, l'homme de 60 ans n'hésite pas à tailler dans le vif au prix de décisions douloureuses notamment pour les employés et les actionnaires. Surnommé le couteau par la presse anglo-saxonne, c'est précisément pour cette mission qu'il a été choisi.
"Il a un problème de communication. Il n'a pas pu entièrement éviter les dégâts dus aux rumeurs et annonces qui se sont multipliées ces dernières semaines", ajoute Yves Genier.