Encore très présente dans le quotidien en Suisse, la pièce de cinq francs tient une place toute particulière dans les porte-monnaie. Imposante, c’est la seule sur laquelle ne figure pas (ou plus) l’Helvétie. Elle est décorée sur l'avers du fameux berger alpin, la tête tournée vers la gauche.
Il ne s'agit du reste pas de Guillaume Tell, malgré une certaine ressemblance. L’erreur, fréquente, est pardonnable car le héros du mythe suisse (celui de la statue de Kissling à Altdorf) figurait en 1914 sur le billet de cinq francs. En 1922, le berger alpin en capuche de Paul Burkhard a remplacé la figure d’Helvetia, à demi dénudée.
Au revers de cette pièce de 31,45 millimètres de diamètre pour un poids de 13,2 grammes de cupro-nickel (alliage composé à 75% de cuivre et 25% de nickel) figurent des edelweiss et autres fleurs des Alpes.
L'idée de provision divine
Et sur la tranche figure la devise en latin: "Dominus Providebit" (Le Seigneur y pourvoira). Elle est tirée de l'Ancien Testament et la Bible compterait du reste près de 170 références à cette idée de provision divine.
Le berger alpin de Paul Burkhard rappelle lui aussi la Bible et son psaume 23: "L’Eternel est mon berger! Je ne manquerai de rien".
Le message pourrait être que l’argent est là pour se nourrir ou se protéger, mais pas pour s’enrichir honteusement ou spéculer. La thune tient d’ailleurs son nom de l’aumône en argot.
Et il faut peut-être voir, dans l'omniprésence de Dieu sur la pièce de cinq francs, la responsabilité conférée à celle ou celui qui détient de l’argent.
Une inscription "anti-fraude"
L’inscription "Dominus Providebit" figurait du reste déjà sur la tranche de pièces de monnaie bernoises au 18ème siècle.
Elle remplissait alors aussi une fonction pratique: éviter que l’on gratte ces pièces, qui étaient alors en argent, pour s’enrichir frauduleusement. Lorsque les lettres étaient clairement lisibles, cela prouvait que la pièce était intacte.
Perte radicale de valeur en cent ans
En 1922, la population suisse pouvait acheter six kilos de farine blanche ou 14 litres de lait avec cinq francs. Aujourd’hui, cette somme ne permet plus de s'offrir que deux kilos de farine ou deux litres et demi de lait.
Mais la Neue Zürcher Zeitung remarque qu'on peut en revanche facilement s'offrir, avec une thune, une action Credit Suisse. Et on nous rendra même de la monnaie.
Frédéric Mamaïs/oang