Meta se voit désormais privée du fondement juridique qui l'autorisait à compiler, stocker et analyser les données des centaines de millions d'Européens utilisant ses services, sans leur demander formellement leur accord.
Cette décision "pourrait être un coup sévère pour Meta", anticipe Dan Ives, un analyste de la société d'investissement américaine Wedbush Securities, qui estime que le groupe pourrait perdre à terme de 5% à 7% de son chiffre d'affaires.
Wall Street "espère" cependant que l'appel annoncé par Meta "continuera à repousser les échéances à plus tard et ne s'inquiète pas à court terme", ajoute-t-il.
L'Europe représente un marché clé pour Meta. Facebook comptait 303 millions d'utilisateurs quotidiens actifs en Europe au troisième trimestre 2022, contre 197 millions dans la zone Etats-Unis/Canada, sur un total de 2 milliards dans le monde.
Les Européens représentaient par ailleurs environ 21% du chiffre d'affaires publicitaire de Meta au même moment (47% pour la zone Etats-Unis/Canada), selon ses comptes financiers.
Modèle économique encadré
Selon les juristes, la décision du régulateur irlandais oblige théoriquement le géant américain à demander à ses utilisateurs européens un consentement spécifique en vue de leur proposer de la publicité ciblée. Faute de quoi il ne pourra plus leur adresser que des annonces moins personnalisées, qui lui rapportent beaucoup moins.
"On ne voit pas désormais d'autre base possible que le consentement" formel des internautes, explique Paul-Olivier Gibert, le président de l'Association française des cadres spécialistes des données personnelles.
L'avocate Sonia Cissé, du cabinet Linklater, estime pour sa part que la décision irlandaise "ne remet pas en cause les modèles économiques" fondés sur la publicité ciblée, comme celui de Meta.
"Mais elle les encadre et les limite définitivement", insiste-t-elle. Pour inciter les utilisateurs à donner leur consentement, "il faudra que les entreprises redoublent d'ingéniosité pour se rendre attractives" auprès des consommateurs, estime-t-elle.
Une décision limitée
Dans sa déconvenue, Meta peut au moins compter sur la bienveillance assumée de l'autorité irlandaise de protection des données. Celle-ci ne cache pas qu'elle n'a sanctionné le groupe que contrainte et forcée par ses homologues européennes, réunies dans le Comité européen de protection des données.
Elle a même refusé d'entreprendre une enquête sur l'ensemble des données collectées par Facebook et Meta, comme ces homologues le réclamaient - une injonction qu'elle conteste d'ailleurs devant la Cour européenne de justice.
afp/cab
Deux amendes au nom de l'Union européenne
Le groupe Meta, la maison-mère de Facebook, a écopé mercredi de deux lourdes amendes totalisant 390 millions d'euros pour violation du règlement européen sur les données (RGPD), a annoncé le régulateur irlandais, qui agit au nom de l'Union européenne.
La Commission irlandaise pour la protection des données (DPC) a précisé dans un communiqué que Meta avait violé "ses obligations en matière de transparence" et se fondait sur une base juridique erronée "pour son traitement des données à caractère personnel à des fins de publicité" ciblée.
L'association de défense de la vie privée Noyb s'est félicitée mercredi d'une décision qui, estime-t-elle, forcera Meta à mettre en place "une option de consentement ouion" pour l'utilisation des données personnelles de ses utilisateurs, faute de quoi l'entreprise "ne peut pas utiliser leurs données pour une publicité personnalisée".
Meta se dit "déçu" des décisions et a indiqué son intention de faire appel, "à la fois du fond et des amendes"