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Nicolas Gisin: "Il serait dramatique que la Suisse rate le tournant des technologies quantiques"

L'invité de La Matinale - Nicolas Gisin, président de la commission quantique suisse
L'invité de La Matinale - Nicolas Gisin, président de la commission quantique suisse / La Matinale / 11 min. / le 10 janvier 2023
Les applications de la physique quantique seront le tournant technologique majeur du XXIe siècle, estime dans La Matinale le physicien et entrepreneur Nicolas Gisin. Selon lui, la Suisse ne doit pas rater le coche pour ne pas être reléguée par les Etats-Unis, la Chine ou l'Union européenne.

La physique quantique est un champ d'étude qui reste très obscur pour l'immense majorité des gens. Nicolas Gisin rappelle d'emblée qu'il s'agit d'un domaine très contre-intuitif: "Lorsqu'on pense à une particule, on pense à une petite bille, mais au niveau quantique, ce n'est pas du tout le cas, puisqu'elles peuvent être à plusieurs endroits à la fois."

Le président de la commission quantique, dont la première réunion a eu lieu lundi, estime que cela mènera à un tournant technologique majeur: "On comprend maintenant très bien qu'il y a un potentiel d'application extraordinaire. Le monde entier, que ce soit les Etats-Unis, l'Europe ou la Chine, se disent que c'est là qu'il faut investir pour rester à la pointe au niveau des technologies du XXIe siècle."

Le bien-être "dramatiquement impacté"

Nicolas Gisin fait un parallèle avec le siècle passé: "Au XXe siècle on a énormément développé tout ce qui est magnétisme. Les ondes, la radio, la télévision, les semi-conducteur, les ordinateurs viennent de la théorie de l'électromagnétisme, qui a été développée au XIXe siècle. Au XXe siècle, on a développé la théorie quantique, et ça va formater toutes les technologies de ce siècle."

Le fondateur de l'entreprise ID Quantique, basée sur la commercialisation de la technologie de cryptographie quantique, considère qu'il y a un coche à ne pas louper: "Si un pays comme la Suisse rate ce tournant, ça va impacter dramatiquement tout notre bien-être, tout notre niveau de vie. On se doit de rester à la pointe des technologies pour avoir des industries à très forte valeur ajoutée."

Applications concrètes

Le physicien énumère quelques applications concrètes possibles: "On aura encore plus de possibilités, au niveau de la puissance de calcul, de la simulation de molécules pour faire de nouveaux médicaments, ou simplement d'améliorer des matériaux. On pourrait par exemple avoir des panneaux solaires beaucoup plus efficaces que ce qu'on a aujourd'hui."

Selon Nicolas Gisin, cette évolution technologique est inévitable, sans pour autant que le grand public ne s'en rende compte. "Je pense que nos enfants vont en profiter, pas forcément de façon consciente. Comme nous ne sommes pas forcément conscients de toute la technologie qu'il y a derrière un téléphone portable."

Exclusion d'Horizon Europe

Pour autant, l'exclusion de la Suisse du programme Horizon Europe risque de fortement affecter la compétitivité de la Suisse dans ce domaine. "C'est assez dramatique, je ne sais pas si notre gouvernement comprend complètement les implications qu'a cette exclusion. Il y a un impact à deux niveaux."

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"D'abord au niveau des connaissances. Nous les scientifiques, nous n'avons pas nos idées tout seuls dans notre coin. On parle avec nos collègues, avec nos étudiants, on échange. Et maintenant, on est isolés, on a beaucoup plus de difficultés à aller vers nos partenaires naturels qui sont évidemment en Europe. Il y a donc une perte de savoir-faire qui menace."

"Ensuite, c'est une chose d'avoir les technologies, mais il faut aussi pouvoir les produire, les vendre. Il faut un marché. Et le marché naturel pour nous, c'est l'Europe. Or actuellement, ID Quantique est exclue de ces marchés. C'est complètement dramatique, ça veut dire qu'on n'arrive plus développer les idées de façon aussi efficiente qu'avant, et une fois qu'on les a développées, on n'arrive pas les commercialiser efficacement", conclut Nicolas Gisin.

Propos recueillis par David Berger/asch

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