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La Suisse se rassure de plus en plus avec des agents de sécurité privés

Des agents de sécurité privés sont appelés dans les McDonald's lors de fortes affluences, où dans les horaires de nuit, comme ici, à Plainpalais (GE). [RTS]
Les agents de sécurité sont devenus indispensables avec la crise du Covid. Un marché qui pèse plus d’un milliard de francs / 19h30 / 2 min. / le 8 février 2023
Les agents de sécurité privés font désormais partie du paysage. Très visibles durant la crise du Covid, la demande ne faiblit pas. En dix ans, leur nombre a bondi de près de 30%. Hôpitaux, magasins, industries, chantiers ou sur l'espace public, on les croise désormais partout.

Vendredi soir, dans le quartier animé de Plainpalais (GE), le McDonald est plutôt calme. A l'entrée, un agent vêtu de l'uniforme noir estampillé Prime Protection surveille l'incessant va-et-vient de la clientèle, qui le remarque à peine.

"Avec le Covid, on a été habitué à voir des agents de sécurité à l'entrée des magasins et même à l'entrée de l'école. Donc aujourd'hui, c'est un peu normal", dit Lisa, une jeune étudiante, devant la caméra du 19h30.

"C'est rassurant"

Ici, le rôle de l'agent de sécurité est essentiellement dissuasif. Mais sa présence rassure, surtout les employés. Ce soir-là, deux d'entre eux nous confient qu'ils souhaiteraient pouvoir bénéficier de sa présence 7 jours sur 7 et non pas seulement les week-ends. D'autant plus que quelques jours avant notre visite, un employé a été agressé physiquement par un client.

Du côté de la clientèle également, aucune voix critique n'a surgi. Au pire, l'indifférence; dans le meilleur des cas, la tranquilité. "Oui, cela peut rassurer. Parfois, quand on n'est pas vraiment en confiance... On ne sait jamais", témoigne Lyssa.

Même avis pour Papa-Doudou, un jeune homme entouré de ses deux copains: "Même si le McDonald est un endroit assez tranquille, on n'est jamais sûr. S'il y a un quelconque problème, c'est rassurant."

1,2 milliard de francs annuel

En 10 ans, leur nombre a bondi de près de 30% en Suisse. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), le pays comptabilise 21'898 agents privés en 2020, contre 17'202 en 2011.

Le chiffre d'affaires de la branche a lui aussi pris l'ascenseur. Le volume des ventes des 769 entreprises suisses représente 1,2 milliard de francs en 2020. Dix ans plus tôt, c'était 860 millions de francs, soit une hausse de 39%.

Les statistiques s'arrêtant en 2020, il est difficile de définir l'impact de la pandémie sur la sécurité privée. Ce qui est sûr, le Covid et ses mesures sanitaires ont rendu ces agents plus visibles. Autrefois gardiens des vitrines de magasins de luxe, on les aperçoit désormais devant l'entrée d'un H&M, les caisses de la Migros ou de Lidl.

Des villas privées aux industries horlogères

En 10 ans, l'entreprise neuchâteloise EGS Sécurité SA a multiplié ses effectifs par trois. "Aujourd'hui, la demande est plus forte. Avec tout ce qu'on voit dans les médias et sur les réseaux sociaux, les gens envisagent parfois le pire et préfèrent prévenir que guérir", explique Jeremy Schmidt, le responsable des opérations.

A droite, Jeremy Schmidt, le responsable des opérations chez EGS Sécurité SA. [RTS]
A droite, Jeremy Schmidt, le responsable des opérations chez EGS Sécurité SA. [RTS]

En nombre, ce sont les villas privées qui tirent leur croissance vers le haut. Pour ce qui est du chiffre d'affaires, c'est l'industrie, et notamment l'industrie horlogère, qui sollicite toujours plus d'agents.

Sur l'ensemble du pays, la hausse du nombre d'agents privés touche de nombreux secteurs, comme la construction ou les mandats publics.

>> Relire : Un quart des communes romandes mandate des agents de sécurité privée

20% de mandats publics

Pour EGS sécurité, le public compte pour environ 20% des activités. "Ce sont des rondes dans les communes, de la surveillance dans les espaces verts, ou encore dans les déchetteries, pour s'assurer que les règles sont bien respectées", énumère Jeremy Schmidt.

Mais ce dernier précise que les agents ne remplacent pas la police: "Nous sommes plutôt un appui. On ne veut pas se prétendre policiers, on n'a pas les mêmes droits", précise le responsable des opérations.

Un tiers travaille pour Securitas

En Suisse, un agent sur trois travaille pour Securitas. L'agence réalise un cinquième de son chiffre d’affaires avec des marchés publics.

Nous avons pu suivre l'un d'eux à l'Hôpital Pourtalès de Neuchâtel. Nous ne sommes pas autorisés à filmer son visage, ni à lui poser des questions. Securitas, comme la plupart des entreprises de sécurité privée, entretient la culture de la discrétion.

Securitas compte quelque 8000 agents en Suisse. [RTS]
Securitas compte quelque 8000 agents en Suisse. [RTS]

Le personnel soignant, lui, se réjouit de sa présence. Dans cet hôpital, l'effectif de sécurité privée a augmenté depuis le Covid. Et ils sont restés.

Selon Christophe Andrié, chargé de la sécurité au sein du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), "l'agressivité a toujours été là. Mais elle était plutôt présente dans les urgences, où les gens attendent. Maintenant, cela se ressent dans d’autres services de soin. D'où la nécessité de garder l'agent de sécurité, qui est précieux pour la sécurité du personnel soignant et des patients".

Apaiser les tensions dans les hôpitaux

Son rôle est principalement d'arrondir les angles en cas de tensions. "D'avoir quelqu'un en uniforme, qui vient un peu s'imposer, dans quasiment tous les cas, cela suffit à redescendre l'agressivité", poursuit Christophe Andrié.

Sous tension depuis le Covid, d'autres hôpitaux romands ont confirmé avoir augmenté leurs effectifs de sécurité. A l'hôpital cantonal fribourgeois (HFR), par exemple, les renforts supplémentaires pour les surveillances prolongées ont représenté en 2022 plus de 2000 heures de travail.

"La présence d’un agent permet souvent de maintenir la situation calme. Parfois, quelques mots ou quelques pas à l’extérieur peuvent aussi détendre l’atmosphère", résume Katelijne Dick, la porte-parole de l'HFR.

Feriel Mestiri

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