Depuis huit ans, les épargnants ont fait face à une situation économique étrange faite de taux d'intérêt négatifs. Leur argent ne leur rapportait plus rien. Au contraire.
En cause, la crise de 2008, qui pousse les banques centrales à descendre leurs taux d'intérêt pour relancer l'économie. En Suisse, le franc se renforce à tel point que l'on craint pour l'industrie exportatrice. La Banque nationale suisse (BNS) adopte alors le taux négatif. Le but, encourager les gens et les entreprises à dépenser plutôt qu'épargner.
Le contexte actuel d'inflation renverse la situation. Depuis 2022, les banques centrales américaines et européennes relèvent leur taux, et la BNS en fait de même en septembre.
Taux timides
Depuis le début 2023, les banques suivent le chemin et décident à leur tour de rémunérer les comptes épargnes de leurs clients. Pas de quoi s'extasier, le temps des taux record des années 70, qui grimpaient jusqu'à 5%, est révolu.
Aujourd'hui, on parle de taux timides. Par exemple, UBS paie 0,1% d'intérêt jusqu'à un solde de 500'000 francs, Raiffeisen et la banque Migros paient entre 0,25 et 0,5% jusqu'à 100'000 francs sur des comptes d'épargne. Chez Postfinance, c'est 0,4% jusqu'à 25'000 francs.
Chez Credit Suisse, c'est 0,25% jusqu'à 50'000 francs : "Effectivement, ce n'est pas une augmentation très importante, il n'y aura pas une grande différence à la fin du trimestre sur votre relevé de compte. Néanmoins, c'est un signe très positif de sortir des taux négatifs, de pouvoir à nouveau rémunérer les comptes", affirme dans le 19h30 de la RTS Steve Fragnière, le responsable de Credit Suisse pour la Suisse romande.
Dans ces conditions les banques ne s'attendent pas à un afflux massif de clients pour ouvrir des comptes épargne. "Mais il est logique, lorsque vous avez de l'argent en banque, que vous ayez une petite rémunération", estime-t-il.
Les néobanques plus rapides
Les néobanques et les banques en ligne à la recherche de nouveaux clients ont réagi beaucoup plus vite en proposant de meilleurs taux. A l'image de Yuh qui a été, dès septembre, le premier fournisseur de services financiers à introduire la rémunération sur les comptes d'épargne:
"Si nous voyons quelque part quelque chose qui pourrait être très attrayant pour les clients, là où il y a un besoin, alors nous voulons y réagir rapidement. Je ne dirais pas que nous sommes les suiveurs rapides, mais nous sommes les premiers à agir. Car alors nous pouvons aussi être attrayants", affirme Markus Schwab, son directeur général.
Prochaine hausse bientôt
Difficile de prédire l'avenir de ces taux d'intérêts d'épargne. Selon le responsable chez Credit Suisse, il y aura probablement une augmentation des taux d'intérêts en mars et en juin. "Dans un marché concurrentiel comme le domaine bancaire, on s'attend à ce que les banques adaptent à nouveau les conditions d'intérêt. Principalement pour la clientèle privée".
Selon Christian Bovet, professeur de droit bancaire à l'Université de Genève, les taux d'intérêt ont fluctué dans l'histoire: "Ces variations peuvent être relativement fortes. On n'a pas nécessairement une grande stabilité. Mais à mon avis, cette période des intérêts négatifs est derrière nous. Je pense que nous en sommes sortis pour un bon moment", prédit-il.
D'autant que les taux négatifs auraient relativement peu affecté le niveau d'épargne sur la durée, car "les gens avaient le souci de se prémunir face à toute une série de crises ou d'incertitudes qui sont intervenues en parallèle", précise le professeur genevois.
Delphine Gianora/fme