Le marché qui s'ouvre, pour les véhicules du futur, est gigantesque: la Chine compte produire 30% de voitures électriques d'ici 2030. L'Europe table même sur une part de 50%. Et les batteries figurent au coeur des enjeux.
"On vend à peu près 100 millions de voitures [dans le monde], et l'année passée on a fabriqué 6,5 millions de voitures électriques. Or, 90% des batteries sont venues d'Asie", rappelle Andreas Hutter, chef du secteur Energy Systems au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel, lundi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Aujourd'hui, les principales usines se trouvent en Chine, en Corée du Sud et au Japon. Le groupe chinois CATL fournit à lui seul plus d'un tiers de la production mondiale de batteries, y compris pour les modèles électriques européens et américains.
S'affranchir des batteries chinoises
Mais une course est désormais engagée, en Europe et aux Etats-Unis, pour s'affranchir de ces batteries chinoises.
Tous les constructeurs automobiles se sont lancés dans des partenariats ou des alliances en vue d'atteindre une certaine indépendance. Plusieurs usines géantes, des "gigafactories", devraient bientôt sortir de terre.
Urgence de maîtriser la production
"Les fabricants de voitures se rendent compte qu'ils doivent maîtriser cette partie de la production du véhicule", explique Hubert Girault, professeur honoraire d'électrochimie à l'EPFL. Trois sont ainsi prévues rien qu'en France: une joint-venture entre TotalEnergies, Stellantis et Mercedes, le groupe Verkor (Schneider Electric, Plastic Omnium) et l'usine Envision Renault à Douai.
Des projets sont en cours aussi et notamment en Allemagne, en Suède ou en Hongrie (où l'investisseur est le chinois CATL). En tout, douze pays européens devraient investir près de 6 milliards de francs dans ces grands centres. L'objectif est d'arriver à produire à l'horizon 2027 entre 300 et 400 gigawattheures (GWh), sachant qu'un GWh permet d'équiper en batteries entre 10'000 et 20'000 véhicules.
Subventions massives aux Etats-Unis
Et les Etats-Unis, qui se sont aussi mis sur les rangs, peuvent être des concurrents redoutables pour l'Europe. Ils veulent même devenir le nouvel eldorado des usines de batteries électriques et y mettent les moyens. Hyundai, Honda, Toyota, BMW, Stellantis ou encore le suédois Northvolt (qui prévoyait d'ouvrir une usine géante en Allemagne) ont été séduits par les subventions du vaste plan de relance américain (Inflation Reduction Act).
Car aujourd'hui, l'industrie automobile américaine (à l'exception notable de Tesla) est encore loin derrière l'industrie européenne. Quatre fois plus de voitures électriques sont produites et vendues sur le Vieux continent, rappelle Andreas Hutter.
La course aux métaux précieux
Reste que la bataille ne se joue pas uniquement sur la fabrication des batteries. La course tourne aussi autour des matières premières, les métaux précieux.
Une batterie à haut rendement contient du manganèse, du cobalt, du nickel et surtout du lithium. Il faut d'ailleurs en extraire environ 40 kilos pour une voiture familiale de taille moyenne. Or, ce métal se trouve majoritairement en Australie, au Chili et en Chine - même si l'Europe a aussi lancé des projets d'extraction et de raffinage.
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Une décision stratégique pour l'Europe
La batterie représente 20% à 40% du coût d'une voiture électrique. Les technologies évoluent assez vite et la pression augmente d'autant sur les prix. Mais l'effort sur les batteries est avant tout une décision stratégique, de survie, pour l'industrie automobile occidentale.
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"La Chine a réussi à détrôner l'Europe dans l'éolien, le nucléaire et le solaire (…) et fait exactement la même chose avec la voiture", relève le géo-économiste des énergies Laurent Horvath.
Grâce aux voitures électriques, les Chinois peuvent rentrer sur le marché automobile et concurrencer les deux grandes puissances. La marque BYD est du reste devenue le premier constructeur de véhicules électriques mondial en 2022 devant Tesla.
Se différencier de l'approche chinoise
Des voitures chinoises électriques bas de gamme s'apprêtent à inonder le marché et c'est la raison pour laquelle l'Europe investit près d'un milliard de francs dans la recherche. Il s'agit de faire la différence dans le domaine des nouvelles technologies.
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"Il y a trois axes où on cherche la performance: réduire le poids, augmenter la durée de vie et augmenter la sécurité opérationnelle des batteries", explique Andreas Hutter, qui codirige aussi le tout nouveau Centre de recherche pour les batteries du CSEM.
Miser sur la durabilité et le recyclage
Et l'Europe essaie aussi d'amener une dimension supplémentaire, celle de la durabilité et du recyclage.
L'objectif est de récupérer environ un tiers des métaux pour fabriquer de nouvelles batteries en 2030. La Commission européenne doit du reste présenter dans les prochains jours un plan comprenant un fonds souverain capable d'investir dans des projets industriels verts de grande ampleur.
fa/oang