Pierre-Yves Maillard: "Les fusions sont souvent l'occasion de faire des catastrophes"
Selon l'institut de recherches BAK Economics, le rachat de Credit Suisse (CS) menace directement "entre 9500 et 12'000 emplois", soit jusqu'à près d'un tiers des effectifs cumulés des deux banques en Suisse (quelque 40'000 postes à elles deux).
"Le Conseil fédéral - puisqu'il en est au droit d'urgence - doit imposer un processus de consultations et de négociations avec les organisations du personnel qui soit exemplaire. Les fusions sont souvent l'occasion de faire des catastrophes", insiste le président de l'USS Pierre-Yves Maillard, mardi dans le 19h30 de la RTS.
Et d'ajouter: "La Confédération et la BNS ont engagé 250 milliards d'argent public. On a donc tout intérêt à ce que cette fusion se passe dans de bonnes conditions."
"Task force"
L'Association suisse des employés de banque (Aseb) réclame des mesures pour favoriser la reconversion du personnel qui sera touché par les rationalisations et demande d'éviter tout licenciement jusqu'à fin 2023.
L'Aseb et l'USS estiment urgente la mise en place d'une "task force" réunissant d'ici la fin du mois les partenaires sociaux - donc aussi UBS - afin de préparer un "parapluie de sauvetage" pour le personnel.
Un tel groupe de travail représente un espace structuré pour mener des négociations, précise Pierre-Yves Maillard. "Les employés de Credit Suisse n'ont pas d'information. Ils doivent continuer de travailler, de répondre à des clients complètement désemparés. Le tout dans un climat insupportable", dit-il.
Protection pour les plus de 55 ans
En cas de licenciements, l'USS demande que les personnes concernées puissent retrouver un travail le plus vite possible. Lors de la fusion, les contrats de travail qui seront transférés doivent être assortis d'une protection contre le licenciement, en particulier pour les plus de 55 ans, exige-t-elle encore.
La conseillère fédérale en charge des Finances Karin Keller-Sutter "va devoir expliquer pourquoi on soutient UBS et CS alors que dans le même temps, on économise sur les rentes AVS et on fait baisser celles du 2e pilier" (...), sans compter que "les primes maladie ne cessent de prendre l'ascenseur", relèvent les syndicats.
"Quand on demande la pleine indexation des rentes AVS, garantie par la Constitution, il faut faire une loi spéciale, qui est ensuite refusée par la droite, alors qu'on peut agir très vite quand il s'agit des intérêts des banques. Cela doit changer dans les mois qui viennent, autrement la population va avoir de la peine à comprendre", prévient Pierre-Yves Maillard, également conseiller national (PS/VD).
Des restrictions
A l'avenir, il reviendra aux autorités de veiller à ce que les banques disposent d'assez de réserves en liquidités et en fonds propres "pour pouvoir supporter elles-mêmes les pertes dans tous les cas de figure". Des restrictions sur la prise de risques des banques doivent être imposées, "et les bonus qui poussent vers les risques doivent disparaître", exige aussi l'USS.
Mais il ne s'agit pas de supprimer les bonus à tous les employés: pour nombre d'entre eux, ils représentent le 13e salaire. Le Conseil fédéral a pris la décision mardi de suspendre le versement de certains bonus à ses collaborateurs.
"La Confédération commence à avoir un certain usage d'assumer les risques du capitalisme suisse. De ce que j'ai appris de la doctrine économique, le capital est rémunéré en dividendes parce qu'il prend le risque. Or, dans les grandes banques, ce n'est pas le capital qui prend les risques, mais c'est l'Etat", estime Pierre-Yves Maillard.
Propos recueillis par Philippe Revaz/vajo avec ats