Le nucléaire de retour au centre du débat

Grand Format Énergie

Keystone - Alessandro Della Bella

Introduction

Déjà en bascule vers la sortie des ressources fossiles, le marché de l’énergie est chamboulé par la guerre en Ukraine. L’urgence de la transition énergétique qui s’impose au fil des rapports du GIEC et de la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes rappelle le rôle possible du nucléaire dans une transition rapide vers la neutralité carbone. Alors, allié ou boulet, le nucléaire? Allié, estime l’Agence internationale de l’énergie, alors que la Finlande inaugure Olkiluoto-3, le plus gros réacteur atomique jamais connecté en Europe. Boulet, selon les écologistes et les partisans des énergies renouvelables, qui dénoncent les coûts du nucléaire et le casse-tête de ses déchets, ainsi que la toxicité des déchets et les risques d’accident.

Chapitre 1
Le nucléaire, allié ou boulet?

EPA - Olivier Hoslet

Limiter le réchauffement climatique à 1,5C° selon les engagements de l'accord de Paris nécessitera une électrification massive des systèmes énergétiques, largement dépendants encore des ressources fossiles. Si cette transition se fera essentiellement par le développement du solaire et de l'éolien, le rôle du nucléaire revient aujourd'hui sur le devant de la scène.

Sa production constante et dite "bas carbone" pourrait soutenir une transition accélérée vers les renouvelables, estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui préconise un doublement de la capacité d'ici 2050. "Si c'est l'option d'une diminution de la capacité nucléaire qui prévaut, la transition énergétique globale sera plus difficile, plus chère et plus risquée", prévenait en 2022 déjà son directeur général Fatih Birol.

En France, Emmanuel Macron veut construire en procédure accélérée six "réacteurs pressurisés européens" (EPR), un type d'installations de troisième génération. Le président de la République compte inaugurer les chantiers d'ici la fin de son mandat.

Le redécollage nucléaire s'illustre ailleurs en Europe, notamment en Finlande, mais aussi en Hongrie, en Slovaquie et en Bulgarie, avec des projets de nouveaux réacteurs. Il faut aussi compter sur l'arrivée de la Pologne, qui négocie sa toute première centrale. Mais c'est en Chine que l'énergie atomique se développe le plus. Le pays abrite la moitié des nouveaux réacteurs construits dans le monde cette dernière décennie.

>> Les précisions du 19h30 :

Avec la crise énergétique, le nucléaire fait son grand retour. Le décryptage de Marie-Emilie Cattier.
19h30 - Publié le 29 mars 2023

Stop ou encore?

Le parc nucléaire actuel compte 422 réacteurs en fonction, assurant 10% de la production électrique mondiale. Un parc vieillissant, car son développement dans les pays occidentaux remonte aux années 1970, avant les coups d'arrêt de l'accident de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011. La question de la prolongation de la durée de vie de ces centrales se pose dans de nombreux pays – dont la Suisse – et constituerait aux yeux de l'AIE une "solution clé pour maintenir une production bas carbone à coût abordable".

Pour les opposants de l'atome, tout nouvel investissement dans le nucléaire – prolongation ou nouvelle construction – ne se ferait qu'au détriment du développement des énergies renouvelables, jugées prioritaires: "Vu son immense potentiel, c'est sur l'énergie solaire qu'il faut miser. C'est aussi celle qui nous permet d'avoir la meilleure autonomie", estime Isabelle Pasquier-Eichenberger. Pour la conseillère nationale verte genevoise, il n'est pas question de prolonger la durée de vie des centrales au-delà de 45 ans.

>> Le reportage du 19h30 :

Malgré les coûts élevés de stockage, l’énergie nucléaire reste concurrentielle face au renouvelable
19h30 - Publié le 28 mars 2023

L'UDC bernois Manfred Bühler rétorque qu'il serait "totalement contreproductif de fermer encore des centrales nucléaires pour des raisons de coûts ou d'idéologie politique verte". Tant qu'elles sont sûres, il faudrait prolonger le plus possible leur durée de vie, plaide le conseiller national. Depuis la fermeture de Mühleberg fin 2019, le Suisse ne compte plus que quatre réacteurs: Beznau I et II, Gösgen et Leibstadt. Ils assurent 29% de la production électrique Suisse.

Énergie chère mais constante

Pour juger de l'utilité ou non du nucléaire pour la transition énergétique, la question du coût de production entrera en ligne de compte. Selon l'AIE, le kilowattheure issu d'une nouvelle centrale en Europe coûterait plus de 12 centimes de franc, contre 4,5 pour celui issu d'un parc solaire, 5 d'un parc éolien et 5,5 d'un parc éolien offshore.

Le site de production d'électricité de Beznau, au bord de l'Aar en Argovie, comprend deux réacteurs nucléaires. [Keystone - Gaetan Bally]
Le site de production d'électricité de Beznau, au bord de l'Aar en Argovie, est composé de deux réacteurs nucléaires. [Keystone - Gaetan Bally]

Même en incluant des coûts de stockage (pompage turbinage, production d'hydrogène, batteries stationnaires), les renouvelables ont déjà l'avantage du prix sur le nouveau nucléaire. Seul le kilowattheure issu d'une centrale nucléaire existante et remise aux normes permettrait de faire mieux: entre 3 et 5 centimes le kilowattheure, selon l'AIE.

Outre l'argument du coût de production élevé, les opposants au développement du nucléaire rappellent le problème des déchets radioactifs, des milliers de tonnes de combustible usagé qui, même scellés et enfouis dans des sites de stockage sécurisés, resteront toxiques pendant des dizaines de milliers d'années. Le risque d'accident est également avancé, tout comme la dépendance aux Etats fournisseurs de combustible nucléaire (Etats-Unis, Russie, France) et l'épuisement des ressources accessibles d'uranium. Les émissions de CO2 issues de l'extraction, du raffinage et de l'enrichissement du minerai sont également relevées. Considéré comme "bas carbone", le nucléaire n'est pas pour autant comparable aux ressources renouvelables, à l'image du vent ou du rayonnement solaire.

La collecte des ressources pour les énergies renouvelables nécessite des équipements eux aussi gourmands en ressources, répondent les partisans de l'atome. Silicium pour les cellules photovoltaïques, acier, cuivre ou encore néodyme pour les éoliennes. Même si ces métaux peuvent être recyclés et réutilisés dans de nouveaux équipements, ils sont aujourd'hui encore largement extraits au moyen de ressources fossiles. Les partisans du nucléaire rappellent aussi la valeur de la production constante des réacteurs, nuit et jour, hiver comme été. La production hivernale, particulièrement précieuse pour la sécurité de l'approvisionnement, demeure l'un des atouts majeurs avancés par la filière.

Besoins toujours plus importants

Avec un doublement de la capacité nucléaire d'ici 2050, le monde compterait environ 800 réacteurs en activité pour une part de production électrique totale à peine plus basse qu'aujourd'hui, autour de 8%, selon l'AIE. Interrogé par la RTS, Christophe Ballif, le directeur des énergies renouvelables au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), estime que la décarbonation nécessitera au niveau mondial une multiplication par 3,5 de la production électrique totale. Et selon lui, "le seul moyen de le faire, ce n'est pas en ajoutant 13'000 centrales nucléaires, mais par un développement massif du solaire et de l'éolien". En très forte progression, il représente déjà plus de 22% de la production électrique européenne, relève le professeur de l'EPFL.

L'électricité issue des renouvelables varie en fonction de la météo, c'est-à-dire des vents et de l'ensoleillement. L'apport du nucléaire est, lui, constant. Mais Christophe Ballif soutient que cette production stable n'est pas indispensable, grâce à la complémentarité horaire et saisonnière du solaire et de l'éolien.

Il évoque également l'apport du parc automobile comme ressource de stockage d'électricité qui, ajouté aux capacités de stockage hydro-électrique par pompage-turbinage dans les Alpes, apportera la flexibilité nécessaire pour adapter l'offre et la demande de courant. A lui seul, le potentiel solaire des toitures adaptées en Suisse est estimé à 50 térawatt-heure (TWh), ainsi qu'à 17 TWh supplémentaires sur les façades, selon l'Office fédéral de l'énergie (OFEN). De quoi doubler la production indigène actuelle qui s'élève à 64 TWh.

La place du nucléaire dans la production électrique appelée à remplacer les ressources fossiles (essence, diesel, mazout, gaz nature et charbon) sera définie par les Etats, selon leurs ressources et leurs décisions politiques. Si le retour du nucléaire séduit certains pays, d'autres comme l'Allemagne sont déterminés à tourner cette page et à mettre toutes leurs forces dans les renouvelables. En Suisse, la sortie du nucléaire votée par le peuple rend impossible la construction de nouveaux réacteurs, mais laisse le choix aux propriétaires d'exploiter leurs centrales tant qu'elles répondent aux exigences de sécurité de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire.

>> L'interview de Christophe Ballif dans le 19h30 :

Christophe Ballif, professeur à l’EPFL et directeur du Centre énergies renouvelables du CSEM, fait le point sur un demi-siècle d'énergie nucléaire en Suisse.
19h30 - Publié le 29 mars 2023

Chapitre 2
Olkiluoto-3, l'espoir de la Finlande

Reuters - Lefteris Karagiannopoulos

Dans la région d'Oayochi en Finlande, à trois heures de route au nord-ouest d'Helsinki, se trouvent les centrales nucléaires d'Olkiluoto. Les deux centrales existantes seront bientôt complétées par Olkiluoto-3, qui sera la centrale nucléaire la plus puissante d'Europe. Le projet a démarré en 2005 et devrait commencer à produire de l'électricité ce mois d'avril, près de 18 ans plus tard.

Olkiluoto-3 sera la toute première centrale nucléaire EPR à être enclenchée en Europe. Ce type de réacteurs nucléaires de troisième génération a été imaginé dans les années 1990, juste après la catastrophe de Tchernobyl. Mis au point par l'entreprise française Areva, ce dispositif ultra puissant a été conçu dans le but d'améliorer la sécurité et la rentabilité économique des centrales nucléaires.

Nombreux retards

"La centrale nucléaire permettrait à elle seule d'alimenter 3,6 millions de voitures électriques pendant une année, explique dans le 19h30 Juha Poikola, la responsable des relations publiques de TVO, l'entreprise finlandaise possédant les réacteurs d'Olkiluoto.

"Cette nouvelle centrale va produire plus de 12 TWh, ce qui représente 14% des besoins en électricité de la Finlande. C'est un chiffre important qui va nous permettre de ne plus importer l'électricité ou très peu."

La centrale nucléaire de Olkiluoto-3, alors en construction, en 2017. Le projet a débuté en 2005 et le début de la production est planifié pour ce mois d'avril. [Reuters - Lefteris Karagiannopoulos]
La centrale nucléaire de Olkiluoto-3, alors en construction, en 2017. Le projet a débuté en 2005 et le début de la production est planifié pour ce mois d'avril. [Reuters - Lefteris Karagiannopoulos]

Selon un récent sondage, 83% des Finlandais soutiendraient aujourd'hui l'énergie nucléaire, du jamais vu depuis 40 ans. Les retards et les problèmes lors de la construction de la nouvelle centrale d'Olkiluoto se sont néanmoins accumulés, faisant passer le coût final du projet de 3 à 11 milliards d'euros. Ce surcoût a été en majorité assumé par Areva.

Prix de revente incertain

Sa mise en route aura au total été retardée 22 fois. Les principaux actionnaires de la centrale ne regrettent pas pour autant leur investissement. "Nous recherchions des solutions neutres en CO2", détaille Ikka Tykkyläinen, le directeur général de l'entreprise Pohjolan Voima Oyj, principale actionnaire de TVO.

"Des solutions fiables et sûres à long terme. C'était le point de départ quand nous avons commencé. A l'époque où nous avons pris la décision, nous ne nous attendions pas à de tels retards, ils nous ont bien sûr surpris. Mais à l'époque où la décision a été prise, c'était l'option la plus compétitive."

Vingt ans après, il est impossible de savoir si les surcoûts de la centrale auront un impact sur le prix de revente de l'électricité. "Dans l'ensemble, ce sera compétitif", assure Ikka Tykkyläinen. Dès avril, le nucléaire représentera 40% de la production énergétique de la Finlande.

>> Le reportage du 19h30 dans la centrale d'Olkiluoto :

L'énergie nucléaire connait un regain d’intérêt. Visite du dernier réacteur mis en service à Olkiluoto en Finlande.
19h30 - Publié le 27 mars 2023

Chapitre 3
Onkalo, le casse-tête des déchets nucléaires

Julien Von Roten - RTS

Nous sommes toujours dans la région d'Eurajoki, à trois heures de route au nord-ouest d'Helsinki, sur la presque-île d'Olkiluoto. Les trois centrales nucléaires se distinguent au loin dans le paysage grâce à leur couleur rouge de Falun typique dans cette partie du pays. Mais rien ne laisse à penser que, quelque part sous la forêt de pins et de bouleaux qui entoure les centrales, se cache le futur plus grand site d'enfouissement de déchets nucléaires au monde. Son nom: Onkalo, la "cave" en finnois.

Avant de pénétrer dans ce véritable cimetière de déchets nucléaires, place aux nombreuses consignes de sécurité. En effet, descendre plusieurs centaines de mètres sous la surface de la mer n'est pas sans risques. Le masque à oxygène nous permettra de respirer normalement plus de deux heures en cas de problème. Nous pourrons également compter sur de nombreux abris étanches disséminés dans tous les boyaux qui composent le centre de stockage. A l'intérieur de ces abris, de quoi boire et manger durant près d'une semaine. Une fois briefés et équipés, nous voici enfin prêts à embarquer.

Un dédale dans la roche

Ce plan donne la mesure de l'étendue du dédale du site d'Onkalo, où quelque 35 kilomètres de galeries ont déjà été creusées. [RTS - Julien von Roten]
Ce plan donne la mesure de l'étendue du dédale du site d'Onkalo, où quelque 35 kilomètres de galeries ont déjà été creusées. [RTS - Julien von Roten]

Pour des questions de sécurité, on ne verra pas l'entrée du site dans le reportage du 19h30. Interdiction totale de filmer les bâtiments, les barrières et l'entrée du tunnel menant à Onkalo. La descente dans les entrailles de la terre se fait à bord d'un minibus. A première vue, c'est un chantier des plus normaux. Mais la durée du trajet fait prendre conscience de l'immensité du projet.

Quinze minutes de route sinueuse en forme de spirale sur laquelle on croise camions et engins de chantier en plein travail, avant d'atteindre le cœur du site, le chantier le plus profond de la planète. C'est là, à 420 mètres sous terre, dans ces couloirs latéraux que seront enterrés les déchets nucléaires pour près de 100'000 ans.

Nous sommes accompagnés du chef de la communication de TVO, l'entreprise électrique propriétaire des centrales nucléaires d'Olkiluoto voisines ainsi que du géologue en chef de l'entreprise responsable de l'excavation et de la construction du site d'Onkalo.

L'un des puits de stockage des déchets nucléaires, dont la trappe d'ouverture se trouve au sol. [RTS]
L'un des puits de stockage des déchets nucléaires, dont la trappe d'ouverture se trouve au sol. [RTS]

Nous les suivons au fond d'un premier petit tunnel latéral. Au sol, des trappes métalliques. "Voilà à quoi vont ressembler les puits de stockage. Ils font 8 mètres de profondeur et chaque puits accueillera un cylindre de déchets", explique le géologue Tumas Pere. "Nous avons construit des tunnels longs de 300 mètres environ, dans lesquels plusieurs puits ont été creusés. Chaque puits accueillera un cylindre rempli de déchets nucléaires. A terme, 40 cylindres seront entreposés dans chacun des tunnels."

Des tunnels scellés

Des cylindres composés d'acier, de cuivre et d'argile et qui accueilleront dès 2025 tous les déchets produits par les trois réacteurs nucléaires d'Olkiluoto.

Une fois les déchets nucléaires placés dans les puits, le tunnel est entièrement comblé, comme le montre Pasi Tuohimaa. [RTS]
Une fois les déchets nucléaires placés dans les puits, le tunnel est entièrement comblé, comme le montre Pasi Tuohimaa. [RTS]

Plus de 35 kilomètres de tunnel ont déjà été creusés dans la roche. A terme, près de 5500 tonnes de déchets nucléaires devraient être stockés dans ces innombrables tunnels, eux-mêmes scellés pour des millénaires.

De quoi "changer la donne", selon Pasi Tuohimaa, le responsable de la communication de TVO. Pour lui, "la Finlande a trouvé une solution sûre pour son combustible nucléaire usagé".

Car une fois les tunnels remplis, ces derniers seront également scellés à jamais, à l'image de cet autre tunnel adjacent: "Voici le tunnel test. Il a été bouché avec de l'argile bentonitique (argile qui gonfle en contact de l'eau, ndlr). Comme vous pouvez le voir, la structure en béton a été construite comme un barrage afin de pouvoir absorber la pression de l'intérieur si l'argile gonfle", explique Pasi Tuohimaa.

Soutien de la population

La construction du site d'Onkalo a débuté en 2004, avec la bénédiction des autorités locales, des Verts finlandais et même de Greenpeace Finlande. A l'époque, le soutien populaire est également massif dans la région. Il l'est encore plus aujourd'hui après l'invasion russe de l'Ukraine. Il faut dire que les centrales nucléaires voisines font vivre depuis longtemps une grande partie de la population de cette région isolée de la Finlande.

"Nous sommes dans une zone sismique très stable. Le substrat rocheux dans la région d'Olkiluoto est âgé environ d'1,8 milliard d'années", explique Tuomas Pere. "Rien n'a bougé ici depuis. D'un point de vue géologique, c'est donc vraiment très stable. On est très éloigné de la limite active des plaques lithosphériques."

Projets similaires en Europe

Posiva, la société responsable des travaux, aura déjà déboursé près de quatre milliards d'euros, soit autant en francs, pour la construction de ce cimetière unique au monde. Le site accueillera tous les déchets nucléaires produits à Olkiluoto jusqu'en 2100, date à laquelle il sera définitivement refermé et rendu à la nature.

D'autres projets identiques fleurissent un peu partout aujourd'hui dans le monde. La Suède vient de lancer la construction d'un site identique, les Etats-Unis ou la France y réfléchissent également. En Suisse, le site du nord du Lägern, à la frontière avec l'Allemagne, a été retenu pour l'instant par la Confédération pour y enfouir définitivement les déchets nucléaires produits en Suisse, un projet chiffré à neuf milliards de francs. Pas sûr pour autant que la population lui réserve le même accueil qu'en Finlande.

>> Le reportage du 19h30 sur le site d'Olkiluoto :

Le nucléaire revient au centre des débats, mais la question des déchets est loin d'être résolue. Reportage en Finlande, dans le plus grand centre d’enfouissement des déchets au monde.
19h30 - Publié le 28 mars 2023

Chapitre 4
Un demi-siècle de nucléaire en Suisse

Keystone - Alessandro Della Bella

Voici de façon non exhaustive les principales dates qui auront marqué l'histoire du nucléaire militaire et civil en Suisse.

1956: les Soviétiques envahissent la Hongrie, le communisme fait peur. Le Conseil fédéral décide alors cette année-là de se doter de l'arme atomique. Ce sont les débuts du nucléaire en Suisse et il sera d'abord… militaire. La fabrication de 50 bombes de 60 à 100 kilotonnes est prévue à l'époque, un projet réaliste selon un ancien expert mandaté à l'époque par le Département militaire fédéral (DMF) et interrogé au début des années 1980:

"Nos conclusions étaient que sur le plan industriel, la Suisse avait tout ce qu'il fallait pour fabriquer des armes atomiques, que cela coûterait des milliards et que c'était au fond une question d'organisation", indiquait-il.

Encouragé par les résultats de l'expertise, le DMF va jusqu'à envisager la région du Gothard pour ses tests nucléaires. La Suisse décide également de faire l'acquisition de Mirage, des avions de chasse capables théoriquement de transporter les bombes produites jusqu'en URSS.

Une première centrale et une grosse frayeur

En 1962, la Suisse entame la construction de la toute première centrale nucléaire de Suisse à Lucens dans le canton de Vaud. C'est là qu'elle prévoit d'enrichir de l'uranium pour ses usages militaires mais le projet est stoppé net en 1969. Le 21 janvier de cette année-là, un problème de refroidissement entraîne la fusion partielle du cœur du réacteur.

L'incident marquera la fin du nucléaire militaire, mais aussi, paradoxalement, le début du nucléaire civil en Suisse. La centrale nucléaire de Beznau 1 est inaugurée la même année, suivie, trois années plus tard, par les centrales de Beznau 2 et Mühleberg.

Des techniciens revêtent des combinaisons de protection contre les radiations avant de s'approcher du réacteur de Lucens, quelques jours après l'accident du 21 janvier 1969. [Keystone - Joe Widme]
Des techniciens revêtent des combinaisons de protection contre les radiations avant de s'approcher du réacteur de Lucens, quelques jours après l'accident du 21 janvier 1969. [Keystone - Joe Widme]

Pourtant, il faudra attendre 1975 pour voir les premières grosses oppositions au nucléaire apparaître en Suisse. Sous la pression populaire, le projet de nouvelle centrale nucléaire à Kaiseraugst est stoppé par les promoteurs, une opposition qui ne suffira pourtant pas à freiner l'inauguration de nouvelles centrales en Suisse: Gösgen en 1979, Leibstadt en 1984, jusqu'à cette fameuse nuit du 25 au 26 avril 1986.

Les retombées politiques de Tchernobyl et Fukushima

La catastrophe de Tchernobyl marque l'Europe tout entière et pousse les Suisses à voter un premier moratoire de dix ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Les années passent, c'est le retour en grâce de l'atome. En 2008, trois nouveaux projets de centrales nucléaires pour remplacer celles existantes de Beznau et de Mühleberg sont présentés à la population. Mais c'est un autre accident nucléaire qui viendra doucher les espoirs des promoteurs: la catastrophe de Fukushima cette fois-ci, le 11 mars 2011. La Suisse annonce le 25 mai de la même année renoncer à toute nouvelle construction de centrale.

"Techniquement, c'est possible. Économiquement, c'est possible. Et c'est aussi une chance pour le pays, pour un changement dans notre politique énergétique", déclare le 25 mai 2011 la conseillère fédérale en charge de l'énergie Doris Leuthard au 19h30.

Une volonté confirmée le 21 mai 2017, six ans plus tard, par 58,2% des Suisses et Suissesses, amenés à se prononcer sur la nouvelle loi sur l'énergie. Un choix audacieux pour certains, inconscient pour d'autres. Six ans après la votation, la question demeure et divise. Selon un récent sondage de la branche, 49% des Suisses et Suissesses continuent à soutenir l'utilisation du nucléaire.

>> Le reportage du 19h30 sur l'histoire nucléaire suisse :

Retour sur l’arrivée en Suisse des premières centrales nucléaires, il y a plus de cinquante ans.
19h30 - Publié le 29 mars 2023