Face à une nouvelle réalité et aux risques qu'entraîne l'intégration de Credit Suisse, la grande expérience de Sergio Ermotti au sein d'UBS a joué un rôle prépondérant dans le choix du conseil d'administration, a relevé mercredi devant la presse à Zurich son président Colm Kelleher.
Ralph Hamers, auquel Colm Kelleher a témoigné tout "son respect et sa gratitude", restera toutefois au sein d'UBS. Il travaillera aux côtés de Sergio Ermotti en tant que conseiller pendant une période de transition, afin d'assurer une clôture réussie de la transaction et un transfert en douceur. Le Néerlandais à ses commandes, UBS a livré des résultats record au cours de deux années consécutives.
"Excellent CEO", Ralph Hamers a permis à la banque de "développer ses forces", a poursuivi Colm Kelleher. Très fier du travail accompli par ses équipes, l'actuel directeur a quant à lui fait part de son soutien à la décision de l'organe de surveillance.
"Nous pouvons bien travailler ensemble avec Sergio et nous nous connaissons bien", a-t-il dit, tout en se montrant très confiant dans le fait que "Sergio va réaliser une intégration réussie, essentielle pour les clients, les employés et les investisseurs des deux banques, ainsi que pour la Suisse".
Redressement d'UBS
Beau joueur, Ralph Hamers n'a certes pas caché qu'il aurait volontiers mené le processus d'intégration, mais "la lecture du CV de Sergio" suffit pour comprendre le choix. "Je vais m'efforcer de l'épauler là où il aura besoin de moi", a-t-il dit. Il cédera les rênes au Tessinois le 5 avril à l'issue de l'assemblée générale d'UBS.
Le changement ne repose ni sur la couleur du passeport, ni sur de quelconques doutes quant à la capacité de mener à bien une fusion inédite entre deux entités estampillées systémique, a expliqué Colm Kelleher. Contacté au lendemain de l'annonce du mariage forcé entre UBS et Credit Suisse le 19 mars, Sergio Ermotti présente l'avantage d'avoir déjà redimensionné une banque d'affaires.
Il avait poursuivi le travail de son prédécesseur Oswald Grübel à la tête d'UBS après son sauvetage par la Confédération et la Banque nationale suisse (BNS). L'établissement avait été acculé par la crise des subprimes et plombé par les pertes abyssales de sa banque d'affaires. L'actuel président du réassureur Swiss Re avait alors ramené la banque aux trois clefs sur la voie des profits.
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Stabiliser et rassurer
La priorité actuelle consiste à stabiliser la situation et rassurer toutes les parties prenantes. Mais restituer la confiance prendra du temps, a déclaré Sergio Ermotti.
Répondant à 62 ans à "l'appel du devoir", il ne pouvait refuser de relever un tel défi. Les responsables d'UBS ont relevé les risques d'exécution significatifs d'une opération "urgente et difficile". L'intégration de Credit Suisse impose aussi à UBS un changement de modèle, le numéro un bancaire misant jusqu'alors plus sur une croissance organique que par acquisitions.
Quant au volet des immanquables suppressions d'emplois qu'entraînera l'opération, les dirigeants d'UBS ont promis la transparence, mais il convient d'abord d'obtenir les autorisations nécessaires dans de nombreux pays. "Toutes les options doivent être examinées de manière réfléchie et systématique. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain", a relevé Sergio Ermotti.
Cultures différentes
Reste qu'UBS n'entend pas "importer de mauvaise culture" d'entreprise, a taclé Colm Kelleher, visant tout particulièrement certains secteurs de la banque d'affaires de Credit Suisse. L'établissement aux deux voiles ne manque pas de brillants collaborateurs, mais ceux-ci doivent passer le filtre de la culture d'entreprise d'UBS, a-t-il averti.
Quant à sa fonction présidentielle chez Swiss Re, Sergio Ermotti sollicitera un nouveau mandat lors de l'assemblée générale, avant de se retirer pour se concentrer sur sa nouvelle mission chez UBS.
Le cénacle se lancera dans la recherche d'un successeur, selon un communiqué séparé. En prévision de la transition, il a nommé le Belge Jacques de Vaucleroy, qui y siège depuis 2017, vice-président sous réserve de sa réélection. Il occupera la fonction jusqu'à ce qu'une nouvelle personne soit élue à la présidence lors d'une assemblée générale extraordinaire du réassureur.
ats/lan/ami
La droite salue cette nomination
En Suisse, les réactions des partis politiques de droite à cette nomination sont plutôt positives. L'UDC s'est réjouie mercredi du retour de Sergio Ermotti en des temps difficiles. "Apparemment, la motion de l'UDC selon laquelle la majorité des dirigeants d'entreprises d'importance systémique doivent être de nationalité suisse porte déjà ses fruits", soutient le parti.
La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter (BL) a écrit sur Twitter que la décision était bonne et juste et que la nomination du banquier était "plus importante que toutes les interventions politiques".
Les Vert'libéraux ont souligné que la politique n'avait pas à s'immiscer dans l'attribution du poste de chef de la banque. Le président du parti et conseiller national Jürg Grossen (BE) s'est montré confiant dans le fait que Sergio Ermotti "s'attellera à la tâche avec doigté".
La gauche appelle à la responsabilité dans la finance
A gauche, par contre, le changement de tête chez UBS a été l'occasion de réclamer plus de responsabilité dans le secteur bancaire. Le PS n'a pas commenté la décision concernant le personnel. Pour le parti, la priorité est de mettre en place des réglementations efficaces, afin de mettre fin à "la culture de l'irresponsabilité dans le secteur bancaire".
Le principe "les bénéfices au privé, les coûts à l'Etat" doit être aboli et le "casino financier" fermé. Les banques doivent servir la société et l'économie, et non les mettre en danger.
Sur la même ligne, le conseiller national Gerhard Andrey (Verts/FR) a déclaré que les décisions prises par une entreprise privée en matière de personnel ne devraient pas être déterminantes. Il faut en fin de compte une culture de la responsabilité. Pour la mettre en œuvre, des règles devraient garantir que les plus hauts dirigeants assument leurs responsabilités.
L'Association des employés de banque ne veut pas de licenciements hâtifs
Pour l'Association suisse des employés de banque, les emplois figurent au premier plan. La direction des grandes banques ne doit pas procéder à des licenciements hâtifs et inconsidérés.
L'association prend donc Sergio Ermotti au mot lorsqu'il affirme qu'il prend au sérieux les soucis des employés et qu'il veut faire du bon travail dans ce domaine également.
Action UBS en hausse
Le retour annoncé de Sergio Ermotti a fait grimper le cours de l'action de la banque aux trois clés. Les analystes ont salué ce transfert depuis la présidence de Swiss Re.
Après avoir passé la totalité de la journée dans le vert, l'action UBS a clôturé la séance en forte hausse de 3,7% à 18,40 francs dans un SMI en progression de 1,15%.
L'action Credit Suisse a également été portée par cette nouvelle, finissant sur bond de 4% à 0,7998 franc, tandis que le titre Swiss Re a pris 1,0% à 93,14 francs.