Marcel Rohner reconnaît d'emblée que l'image des banquiers est écornée "après cet événement marquant qui a frappé une institution de renom". Lui-même dirigeait UBS au moment de son sauvetage en 2008. L'histoire de Credit Suisse a donc des airs de déjà-vu...
Le docteur en économie admet que ce n'est pas normal que les banques disposent d'une sorte de casco-complète payée par la Confédération: "L'objectif est que ce ne soit pas le cas. C'est pour cela que certaines mesures ont été prises après la crise financière de 2008-2009. On a introduit des exigences en matière de liquidités et de fonds propres. Ce régime "too big to fail" aurait dû éviter cela, justement", développe-t-il.
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En cas de pertes, pas de bonus
Le monde politique, à gauche comme à droite, exige désormais des changements dans la culture bancaire helvétique. Les bonus des top-managers sont en particulier dans le viseur des mécontents. La population suisse, elle, semble de moins en moins comprendre ces traitements exorbitants.
"Je comprends cette position. Il n'est pas correct qu'on accorde une rémunération variable quand une banque fait des pertes. La partie variable de la rémunération doit être axée sur le long terme", déclare Marcel Rohner.
Mais il ne veut pas non plus entendre parler d'une limitation des bonus: "Je ne pense pas qu'un plafonnement va répondre à la problématique. Il faut créer les bonnes incitations et les bonnes structures. Il y a déjà une réglementation de la Finma, qui nous dit très clairement comment il faut procéder. Il faut maintenant appliquer cela de manière cohérente", plaide-t-il.
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Ne pas augmenter les fonds propres partout
La gauche et le centre demandent une augmentation généralisée des fonds propres des banques. Objectif: garantir qu'elles aient les reins assez solides en cas de turbulences.
Pour Marcel Rohner, cette demande ne prend pas en compte la diversité du secteur. "Ce qui est important, c'est de constater que notre paysage bancaire est extrêmement hétérogène. Une banque sur 231 a eu un problème. Deux d'entre elles avaient une importance systémique. L'une a repris l'autre. Maintenant, je crois qu'il faut veiller à ce que l'on ne tire pas de conclusions hâtives et qu'on n'introduise pas des mesures qui s'appliqueraient à des établissements qui fonctionnent très bien et survivent dans ce contexte très difficile", soutient-il.
Le patron de la faîtière bancaire évoque une évaluation des établissements au cas par cas, avant d'éventuellement augmenter "dans certains cas" les fonds propres ou les liquidités.
Dans tous les cas, une chose est sûre: Marcel Rohner est d'accord qu'accepter l'aide de l'Etat signifie devoir accepter certaines règles.
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Antoine Michel
Préoccupation pour les emplois
UBS envisagerait désormais de réduire ses effectifs (en comptant ceux de son rival absorbé) de 20 à 30% dans le monde, c'est-à-dire entre 25'000 et 36'000 emplois au total. En Suisse, 11'000 places de travail seraient menacées.
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Marcel Rohner reconnaît que les employés des deux géants bancaires sont les perdants de la situation actuelle. "Cela nous préoccupe beaucoup", assure-t-il. "C'est évidemment une situation difficile à vivre pour les collaborateurs et collaboratrices, qui ne savent peut-être pas où ils vont travailler dans six mois ou un an. C'est difficile et nous le comprenons très bien. Mais nous sommes encore dans le flou quant à beaucoup de facteurs. Nous ne savons pas comment UBS va mettre en œuvre cette fusion. Nous espérons avoir le plus rapidement possible des éclaircissements sur ce point."
L'Association suisse des employés de banque demande d'éviter les licenciements jusqu'à fin 2023. Marcel Rohner estime que les partenaires sociaux devront discuter de la question. "UBS est très forte. Avec l'aide de l'Etat, elle va pouvoir réaliser la fusion." Une situation qui devrait permettre de "conclure de bons accords", avance-t-il.