Carlo Lombardini: avec Credit Suisse, "tout le monde s'est foutu des règles de droit"
La décision de la FINMA est tombée en début de semaine. L'instance reste inflexible et les détenteurs d’obligations Credit Suisse n'auront pas d’explications supplémentaires. D'un montant de 16 milliards de francs, ces obligations ont été converties du jour au lendemain en fonds propres et ont dès lors perdu toute valeur pour leurs détenteurs.
L'autorité de surveillance estime qu'il s'agit d'une affaire interne à la banque. "Credit Suisse est le seul destinataire de l'instruction de ces obligations, à l’exclusion de tiers", se dédouane-t-elle.
Dans les conditions d’emprunt, il y avait une clause qui prévoyait la possibilité de convertir ces obligations en fonds propres en cas de nécessité. Les détenteurs de ces titres étaient donc prévenus. Non seulement les recourants ne sont donc pas lésés, estime l’autorité de surveillance, mais ils n’ont pas non plus la qualité de recourir contre cette décision.
"La FINMA ne veut pas examiner le fond de l'affaire"
Carlo Lombardini, avocat à Genève, représente certains détenteurs de ces obligations. Interrogé mardi dans l'émission Forum de la RTS, il explique que cette décision de la FINMA ne le surprend pas. "Après la boulette qui a été faite, il est clair que l'Autorité de surveillance ne veut pas examiner le fond de l'affaire. C'est cohérent avec leur stratégie", a-t-il lancé.
On s'attendrait à recevoir ce genre de décisions dans des pays comme le Vénézuela, et non dans un pays où régnerait prétendument la sécurité juridique.
Il se dit tout de même choqué, estimant "qu'on s'attendrait à recevoir ce genre de décisions dans des pays comme le Vénézuela - un régime particulièrement autoritaire - et non dans un pays où régnerait prétendument la sécurité juridique".
"Quand on dit à des porteurs de 16 milliards d'obligations: 'oui, on les met à zéro, mais ça ne vous concerne pas', il y a quand même un côté assez cocasse, voire grotesque", plaide l'avocat.
"A partir du moment où le Conseil fédéral avait décidé, de façon illégale et anticonstitutionnelle, de marier Credit Suisse à UBS, à partir de là, tout le monde s'est foutu des règles de droit", ajoute-t-il même.
Devant le Tribunal administratif fédéral
Pour Carlo Lombardini, le refus d'entrée en matière de la FINMA est "incompréhensible" au vu de la riche jurisprudence existante à ce sujet. Des anciennes décisions juridiques que l'avocat entend bien faire valoir dans son recours auprès du Tribunal administratif fédéral, une jurisprudence "que la FINMA découvrira probablement à cette occasion et qu'elle aurait mieux fait de lire entre le 16 et le 19 mars", fustige encore l'avocat.
La contestation va donc monter au Tribunal administratif fédéral. Ces recours vont s’additionner aux plaintes déjà déposées directement auprès de ce Tribunal, notamment au motif que les détenteurs d’obligations ont, dans le cadre de ce rachat, été moins bien traités que les actionnaires, ce qui est contraire au droit en vigueur.
Le principe de la séparation des pouvoirs me semble malheureusement singulièrement violé dans notre bel Etat.
Le recours au Tribunal administratif fédéral est donc la prochaine étape de cette affaire, car l'avocat a "le mandat d'aller jusqu'au bout". "Il serait souhaitable que les juridictions fédérales remettent un peu d'ordre dans le principe de la séparation des pouvoirs, qui me semble malheureusement singulièrement violé dans notre bel Etat", conclut-il.
Ces prétentions seront assorties de demandes de dédommagement. L'avenir nous dira dans quelle mesure le Tribunal administratif fédéral y apportera une réponse favorable ou non.
Sujet radio: Sylvie Belzer
Adaptation web: Julien Furrer