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Face aux difficultés de recrutement, les "working dates" se multiplient

Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour recruter du personnel qualifié
Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour recruter du personnel qualifié / 19h30 / 2 min. / le 10 mai 2023
La patinoire de Fribourg s'est transformée en centre de recrutement d'un nouveau genre mardi. Un concept d'entretiens professionnels sans CV a réuni douze grandes entreprises et 90 candidats. Ils ne sont pas les seuls à vouloir contourner les traditionnels dossiers de candidatures.

C'est un face à face comme on ne l'avait jamais vu à la patinoire de Fribourg. Il s'est joué non pas entre hockeyeurs, mais entre demandeurs d'emploi et recruteurs.

Pour cette rencontre, nul besoin de lettre de motivation, ni de CV. Les entretiens d'embauche se sont déroulés dans les loges VIP et aucun candidat n'a été filtré pour cause de mauvais dossier.

"L'objectif est de mettre le facteur humain au coeur des discussions. La clé du succès d'une entreprise est le savoir-être. Et à travers notre concept, on met vraiment cet aspect-là en avant, à travers ces discussions authentiques", explique Sylvie Descloux, codirectrice de l'évènement.

Au-delà du CV

A la base du concept, deux recruteuses, Sylvie Descloux et Vanessa Grutter, qui ont fondé Work@firstsight, ont fait le constat d'être passées souvent à côté de bons profils en se basant uniquement sur leur CV.

"A travers un CV, on ne va pas voir le 'savoir-agir'. On va voir l'expérience, on va voir les formations. Mais le but du concept est de pouvoir aller au-delà du CV", souligne Sylvie Descloux.

"Aujourd'hui, l'intelligence artificielle fausse l'analyse des dossiers. Une lettre de postulation et un CV ne peuvent plus être lus comme c'était le cas auparavant. Ces rencontres permettent d'enlever ces documents qui biaisent notre jugement", ajoute sa collègue Vanessa Grutter.

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Montrer sa motivation

Les rendez-vous sont planifiés par les organisatrices, qui sélectionnent des candidats en fonction de la formation de base de l'un et du profil recherché par l'autre. Mais l'entreprise ne connaît que le nom, le prénom et la date de naissance du candidat. C'est donc dans le face à face que tout se joue.

"Moi je préfère parler en face, c'est plus sincère, plus franc. On peut aussi essayer de les convaincre s'il y a certains défauts qui les dérangent. On peut montrer qu'on est motivé. C'est toujours mieux en face que par téléphone ou par mail", raconte Eric Beaud, un candidat à l'embauche, à l'issue de son entretien.

Parcours atypique mis à profit

L'employeur, lui, a dû débourser au minimum 1500 francs pour réserver un stand. Durant l'évènement, il rencontrera entre 8 et 10 candidats.

Patrick Balzli, président de la banque Raiffeisen pour la Région Marly-Cousimbert, y croit fermement. La directrice des ressources humaines qui l'accompagne aujourd'hui a d'ailleurs été recrutée de cette manière lors d'un précédent événement.

Pour lui, ce moyen permet d'accéder à d'autre candidats: "Leur parcours professionnel ne s'inscrivait pas forcément dans un parcours bancaire, mais néanmoins, leur compétence comportementale dans d'autres secteurs d'activités peut tout à fait être mise à profit dans la banque", estime-t-il.

Marché de l'emploi très tendu

D'autant que la quête de candidats devient toujours plus difficile. Selon le baromètre Manpower de l'emploi, trois entreprises sur quatre déclarent rencontrer des difficultés pour recruter du personnel qualifié. Ce constat se reflète également sur le marché de l'emploi. Selon l'Adecco Group Swiss Job Market Index, le nombre de postes vacants au premier trimestre 2023 n'a que légèrement diminué par rapport à son pic historique du quatrième trimestre 2022.

Dans ce contexte, certains préfèrent sortir des sentiers battus, comme Annalisa von Gruenigen, directrice de la société de recrutement Synergie. Elle a choisi littéralement de sortir de son agence pour partir à la rencontre de potentiels candidats pour un "job tour", un stand qui sillonne toute la Suisse romande.

"Le tout numérique a enlevé au recrutement son côté humain. Et si on fait du recrutement, c'est parce qu'on aime les gens. Donc nous voulons rencontrer les gens et pas uniquement avoir affaire à un ordinateur ou un email", souligne Annalisa von Gruenigen.

Selon ces trois spécialistes, le recrutement d'un nouveau genre fonctionne. A la patinoire de Fribourg, les organisatrices tablent sur un taux d'engagement d'environ 20% à l'issue de cette journée, au regard des derniers évènements organisés.

Delphine Gianora/fme

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