Valérie Piller Carrard: "On est contre la répartition des recettes de l'impôt minimal des multinationales"
La volonté d'une imposition minimale de 15% sur le bénéfice des grandes entreprises internationales vient de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). L’objectif est d’établir une forme d’équité fiscale au niveau mondial. Seuls les conglomérats dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros sont concernés, ce qui exclut la très grande majorité des quelque 600’000 entreprises actives en Suisse.
Le Département fédéral des finances table sur des recettes fiscales supplémentaires de 1 à 2,5 milliards de francs la première année de l’introduction de la réforme. La position du PS, qui appelle à voter contre la loi, peut sembler contre-intuitive. "Cette votation est un peu un jeu d'équilibriste pour le Parti socialiste", admet dans La Matinale Valérie Piller Carrard, vice-présidente du parti et conseillère nationale fribourgeoise.
"Mais je défends tout à fait la position de mon parti, parce que nous nous engageons pour défendre les intérêts de la population et aujourd'hui on n'est pas contre l'imposition minimale des grandes entreprises de 15%. Bien au contraire, on l'a toujours défendue, on s'est aussi engagé au niveau international afin que les multinationales soient taxées même davantage. Mais on s'engage contre la mise en oeuvre qui est faite en Suisse, avec la répartition qui est proposée dans le projet de loi."
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La majorité des recettes aux cantons
Valérie Piller Carrard poursuit: "Ce qui est proposé par le Parlement et le Conseil fédéral, c'est de répartir à 75% pour les cantons et 25% pour la Confédération. Et on constate que ce n'est pas l'ensemble des cantons qui vont en profiter, mais simplement les cantons où il y a le plus de multinationales, notamment Zoug et Bâle-Ville. Le Parti socialiste est plutôt engagé pour une répartition plus équilibrée. On demandait 50% pour les cantons et 50% pour la Confédération."
Il y a des projets qui sont sur la table au niveau fédéral, et on a besoin de moyens supplémentaires pour les concrétiser
Pour la socialiste, la Confédération a davantage besoin de ces recettes que les cantons. "Il y a des projets qui sont sur la table au niveau fédéral et on a besoin de moyens pour les concrétiser. Cette manne supplémentaire serait la bienvenue pour notamment réduire les primes d'assurance maladie ou renforcer le renchérissement des rentes AVS. On se rend compte que la situation financière de la Confédération est compliquée. On est dans une situation où on est déficitaire, alors que les cantons ont presque pour la totalité fait des bénéfices en 2022."
Les sections régionales divisées
Signe de la position délicate dans laquelle se trouve le parti face à cette votation, le PS genevois prône le oui. Il y voit un moyen de limiter la concurrence fiscale. "Il est vrai que certains partis cantonaux se sont positionnés en faveur de la loi ou ont laissé la liberté de vote. C'est la force aussi de notre démocratie", observe la Fribourgeoise.
Les cantons gagnants ont déjà annoncé qu'ils redistribueront l'argent supplémentaire aux multinationales
"Mais j'ai un peu de la peine à comprendre la position du Parti socialiste genevois. Quand on voit les chiffres en termes de péréquation financière et qu'on regarde le nombre de cantons qui vont pouvoir en profiter, Genève n'en fait pas partie. Peut-être que certains calculs devraient être refaits, parce que ça ne va en rien limiter la concurrence fiscale, vu que les cantons où les multinationales sont les plus nombreuses comme Zoug et Bâle vont toucher plus de 40% de cette manne supplémentaire. Et ils ont déjà annoncé qu'ils favoriseront encore une fois les multinationales en redistribuant l'argent qu'ils toucheront en supplément."
L'électorat du PS à convaincre
Selon le premier sondage SSR, seuls 16% des électeurs du PS disent vouloir refuser cette loi. La vice-présidente du parti ne s'en alarme pas pour autant. "Ce sondage a été fait avant les assemblées cantonales."
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"Mais quand on explique très clairement les enjeux de cette votation et pourquoi nous refusons ce projet qui est aujourd'hui sur la table, on voit déjà que les derniers sondages - peut-être pas celui de la SSR - montrent que la base de notre parti comprend notre position. Si les choses sont expliquées simplement, on se rend compte que le non progresse dans les résultats."
Au lendemain de la votation, le 19 juin, on peut revenir très rapidement avec un nouveau projet
Reste que les socialistes devront convaincre au-delà de leur base. Ils devront notamment faire face à l’argument phare de leurs adversaire, qui mettent en avant le risque que les pays étrangers puissent prélever de l'argent dans les caisses suisses si l'impôt n'est pas mis en oeuvre.
Valérie Piller Carrard se veut rassurante: "Au lendemain de la votation, le 19 juin, on peut revenir très rapidement avec un nouveau projet, et avec une mise en oeuvre qui sera différente et qui profitera à la population. On a des projets très concrets qui sont prévus au Parlement, et je reste convaincue que cet argent n'ira pas dans les caisses des autres pays. Une partie des pays européens n'ont pas encore mis en oeuvre cette réforme, donc on n'est pas à la traîne à ce niveau-là."
Propos recueillis par David Berger
Version web: Antoine Schaub