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Pas 100% écolo, le bateau de croisière au GNL se veut une transition vers le vert

Inauguration du 2e navire de croisière de la compagnie suisse MSC qui fonctionne au Gaz naturel liquéfié
Inauguration du 2e navire de croisière de la compagnie suisse MSC qui fonctionne au Gaz naturel liquéfié / 19h30 / 2 min. / le 8 juin 2023
Un nouveau paquebot propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL) vient d'être livré à l'armateur italo-suisse MSC. Il réduit de 20% les émissions de CO2 et a été présenté comme le plus propre de l'industrie de la croisière. Mais selon une ONG, son impact serait pire que celui du fioul lourd.

"Nous sommes sur le MSC Euribia, c’est notre deuxième bateau de croisière à fonctionner au gaz naturel liquide", lance fièrement Linden Coppell, depuis la salle des machines du paquebot. La vice-présidente Durabilité & ESG de la compagnie, qui s'exprime devant la caméra du 19h30 de la RTS, précise: "C’est aujourd'hui le combustible le plus propre disponible à grande échelle".

A quelques heures de la croisière inaugurale qui s'est tenue samedi dernier, la cérémonie a tenu à afficher la couleur: verte.

Le hashtag #Savethesea (sauver la mer en français), affiché partout, ainsi que les discours à la gloire du développement durable voulaient ainsi redorer l'image de l'industrie de la croisière.

Moins de CO2, mais plus de méthane

Comparé aux bateaux traditionnels qui tournent au fioul lourd, le MSC Euribia, d'une capacité de 6300 passagers, rejette 20% de CO2 en moins. Il réduit aussi de 95% les émissions de particules fines et n'émet pas de dioxyde de soufre.

Un véritable progrès, mais il cache un défaut de taille. Le gaz naturel liquéfié est composé à 90% de méthane. Or, le méthane a un pouvoir de réchauffement plus de 80 fois supérieur à celui du CO2, d'après le Programme de l'ONU pour l'environnement (UNEP).

Selon l'organisation Transport et Environnement, basée à Bruxelles, un paquebot qui fonctionne au GNL aura un gros impact pour le climat: "On s'aperçoit qu'il y a des fuites de méthane à bord du navire, qui s’échappe dans l’atmosphère, à travers les cheminées", affirme Fanny Pointet, responsable du transport maritime pour l'ONG Transport et Environnement.

Interrogé sur cette question, Pierfrancesco Vago, président exécutif de MSC Croisières, affirme mettre la pression sur ses fournisseurs européens: "Nous travaillons avec des producteurs de moteurs qui ont déjà trouvé des solutions pour réduire ces émissions de méthane de 90%."

>> Le GNL, c'est quoi? Les explications de Théo Jeannet dans le 19h30 :

Le gaz naturel liquéfié (GNL) a le vent en poupe: le décryptage de Théo Jeannet
Le gaz naturel liquéfié (GNL) a le vent en poupe: le décryptage de Théo Jeannet / 19h30 / 1 min. / le 8 juin 2023

Un bilan pire que le diesel

Mais cela ne suffira pas, pour Fanny Pointet. Selon elle, le GNL dégagerait également du méthane tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de l'extraction à l’acheminement du gaz jusqu'au navire.

Pour elle, le constat est sans appel: "un paquebot de croisière qui fonctionne au GNL a un bilan climatique qui est pire que celui qui fonctionnerait avec du diesel".

Selon elle, la communication de MSC relève donc clairement du greenwashing: "Inscrire #save the sea sur la coque du navire, c'est décomplexer totalement la personne qui va aller sur le bateau, en pensant qu'elle fait presque une action écologique."

Une transition vers le zéro carbone

La compagnie MSC Croisière l'admet: le gaz naturel liquéfié n'est pas idéale. Mais cette énergie fossile représente pour elle une solution transitoire.

Pierfrancesco Vago, de MSC Croisières, rejette toute accusation de greenwashing: "Aujourd'hui, nous avons le paquebot le plus écologique du monde entier. Notre but est de montrer que nous avons trouvé les solutions technologiques pour travailler avec la mer de manière durable", défend-il.

Première (et unique) croisière verte

Pour appuyer son propos, il rappelle que le voyage inaugural du navire, de Saint-Nazaire à Copenhague, a vogué avec du Bio-GNL, du gaz provenant de la fermentation de déchets biodégradables. Ce voyage représentait ainsi la première croisière à zéro émission nette de gaz à effet de serre.

Mais il s'agit d'un coup médiatique unique, tant les quantités nécessaires dépassent largement la production existante. Pour un tel voyage, il a fallu faire l'acquisition de 400 tonnes de bio-GNL. A l'heure actuelle, il est impossible de ravitailler le navire ainsi sur le long terme.

Appel aux politiques d'investissement

"Le problème, c'est que l'on manque de fournisseurs de combustibles de nouvelle génération, comme le Biofuel ou le GNL synthétique. C'est ça le problème. Notre but est d'attirer l'attention du monde politique, d'investir là-dessus et d'avoir cette technologie en Europe", réclame Pierfrancesco Vago.

Le MSC Euribia devrait donc évoluer au gré des carburants disponibles, dans le but d'atteindre en 2050 l’objectif de zéro émission que la compagnie s’est fixée pour toute sa flotte de paquebots de croisière.

Théo Jeannet et Feriel Mestiri

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