Pour décrocher un contrat dans la restauration, Margot, une jeune Lausannoise, a travaillé une semaine à l’essai, sans toucher un seul franc. Elle a juste reçu une boisson gratuite par jour.
Dans la vente et l’hôtellerie-restauration, la pratique semble courante. "Il n'y a pas un seul travail en Suisse où on ne m'a pas demandé de faire un essai non rémunéré, que ce soit trois heures, toute la journée ou là une semaine", explique-t-elle.
Cette semaine non payée représente pourtant plus de 900 francs de manque à gagner. Mais Margot est résignée. "J'ai accepté parce que je n'avais pas le choix. Le monde du travail n'est pas facile. Il faut accepter les choses quand elles viennent"
Pas de prestation de travail
Travailler gratuitement est techniquement possible. Mais le salaire ne peut être facultatif que dans deux cas précis seulement.
"Lorsque les personnes sont là en observation, pour visiter l’entreprise, faire connaissance avec l'équipe et ne fournissent pas de prestation de travail, on n'est pas obligé de rémunérer cette journée-là", explique Morgane Bühlmann, juriste au Centre Patronal.
Mais même dans ce cas de figure, la juriste conseille "de le prévoir dans un accord écrit pour éviter tout malentendu sur la question".
Nettoyage des locaux, service aux clients: pendant sa semaine gratuite, Margot a pourtant travaillé comme les autres employés.
Pas de CCT
Il existe une deuxième exception pour laquelle une rémunération n'est pas obligatoire. "Si on n’est pas dans un domaine régit par une convention collective de travail (CCT), on peut convenir au préalable d'une courte période qui ne serait pas rémunérée", explique Laurent Mettraux, chef de l'Inspection du travail de Lausanne.
Certains secteurs sans CCT ont donc plus de liberté, mais ce n’est pas le cas de l'hôtellerie-restauration, une branche couverte par un salaire minimum.
Situation illégale
Face au témoignage de Margot, les avis sont unanimes, des représentants des patrons aux syndicats: la situation est illégale.
"Tout travail effectué mérite un salaire", confirme Tamara Knezevic, secrétaire syndicale chez UNIA Vaud. "Là, il ne s'agit pas d'un travail d'observation, mais d'un travail de service. Et à partir du moment où vous avez mis votre prestation de travail à disposition de l'employeur, cela doit être rémunéré", poursuit-elle.
Margot pourrait donc mettre son ex-patronne en demeure de payer. Elle peut demander conseil à un syndicat ou à l’inspection du travail, qui offre à Lausanne des permanences gratuites.
Pascale Defrance/edel