Le nouveau campus informatique de La Poste se trouve désormais au coeur de la cité lisboète, dans la très prisée rua Castilho, à deux pas de l'avenue de la Liberté, l'artère la plus chic et la plus emblématique de la capitale portugaise. Les locaux flambant neufs s'établissent sur deux étages pour une surface totale de 900 m2 et accueillent déjà 29 employés.
"Tous nos bureaux ont été pensés pour que nos collaborateurs se montrent créatifs et innovateurs", explique le directeur de cette antenne portugaise Nuno Pedro dans La Matinale.
Le bâtiment désormais occupé par La Poste s'inspire de ce qui se fait dans la Silicon Valley, berceau des start-up américaines. "Nous avons des espaces de cocréation, de réflexion, où l'on peut directement écrire sur les murs, présenter une idée, un schéma. On espère que c'est ici que surgira la prochaine grande idée de La Poste", ambitionne-t-il.
Faire face à une future pénurie
En septembre dernier, l'ancienne régie fédérale a décidé de s'établir dans la ville blanche. Cette décision avait soulevé bon nombre de questions. Mais La Poste avait justifié son choix pour une raison: le manque futur de professionnels de l'informatique en Suisse. Selon ses estimations, le pays fera face à une pénurie de 35'000 spécialistes des technologies de l'information d'ici 2028 (voir encadré).
"Actuellement en Suisse, on affronte ce qu'on appelle une 'guerre des talents'. Il y a une concurrence extrêmement forte dans le recrutement des spécialistes dans le domaine informatique. Nous pouvons ajouter à cela le fait que le pays compte de nombreux employés de la génération des baby-boomers qui seront bientôt retraités. Il fallait qu'on trouve une solution de recrutement ailleurs", précise Nuno Pedro.
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Le directeur lisboète balaye en revanche l'argument de la main-d'oeuvre moins chère au Portugal: "Notre motivation n'était en rien de réduire ou d'optimiser les coûts. Si La Poste est venue au Portugal, c'est avant tout pour trouver du personnel de qualité." Le géant jaune vise quatre secteurs: l'analyse d'affaires, le développement de logiciels, l'analyse des données et la cybersécurité.
Identifier les besoins du marché
Parmi les spécialistes portugais engagés: Virginia Nunes. Cette jeune femme est analyste d'affaires et elle a rejoint l'entreprise le mois dernier. Elle est déjà à pied d'oeuvre.
"Notre principale fonction, c'est identifier les besoins du marché et de les traduire en termes techniques pour les programmateurs. On cherche ensuite une solution informatique qui peut facilement être utilisée par les usagers qui nous ont sollicités", explique-t-elle, soulignant aussi que le secteur est en plein boom au Portugal.
La Poste, dont le service informatique compte quelque 1300 collaborateurs au total, espère en recruter 150 de plus sur le site lisboète ces prochaines années.
Vincent Barros/jfe
"On ne peut pas couvrir notre besoin en spécialistes"
La Poste justifie cet exil portugais par un manque à venir de spécialistes dans le domaine informatique en Suisse. Mais qu'en est-il vraiment? Serge Frech, directeur d'ICT Formation professionnelle - l'organisation compétente pour tous les titres professionnels fédéraux dans les métiers de l'informatique et du numérique - appuie cet argument par des chiffres.
"En Suisse, nous avons 240'000 informaticiennes et informaticiens. Par rapport à ce total, il faudrait avoir 8,1% de places d'apprentissage par an pour être autosuffisant. Pour le moment, nous n'en avons que 5,9%. Avec ce chiffre, on ne peut pas couvrir notre besoin en spécialistes", explique Serge Frech dans La Matinale.
"D'ici 2030, il pourrait manquer jusqu'à 36'000 spécialistes en informatique. Cela s'explique par la très très courte histoire de la formation d'informaticiens. Encore aujourd'hui, ça reste une branche nouvelle. A cela s'ajoute le fait qu'il y a beaucoup d'entreprises anglo-saxonnes qui ne connaissent pas encore notre système de formation", conclut-il.