des émissions d'oxyde d'azote hors normes d’homologation. AMAG conteste cette décision.
"Voilà huit ans que j'attendais cette décision", confie le propriétaire malheureux de ce Touran 1.6 TDI. Convaincu par les arguments écologiques et sanitaires des vendeurs d'AMAG, il avait fait l'acquisition de ce modèle Diesel en 2013.
Mais lorsque deux ans plus tard, pincée par les autorités américaines, Volkswagen admet avoir triché sur les émissions d'oxyde d'azote sur près de onze millions de véhicules dans le monde et que le sien en fait partie, le Genevois se sent trahi et n'a plus qu'une idée en tête: s'en débarrasser.
"Dédommager les propriétaires lésés"
C'est donc le soulagement que lui a apporté mercredi la Cour de justice du canton de Genève, confirmant une décision cantonale précédente contre laquelle AMAG avait recouru.
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Le Touran, malgré sa mise à jour logicielle et matérielle par Volkswagen en 2017, présente toujours un défaut: ses émissions d'oxyde d'azote (NOx) dépassent largement les normes d'homologation. Selon une expertise mandatée dans le cadre de la procédure à la société DTC, les émissions de NOx, qui ont été mesurées à trois reprises, ont à chaque fois été supérieures à 230 mg/km alors que la norme est fixée à 180 mg/km.
L'annulation du contrat est donc justifiée, ont estimé les juges. L’arrêt souligne que conduire un tel véhicule qui ne respecte pas les ordonnances techniques rend son propriétaire "susceptible de commettre une infraction".
Un argument sur lequel a rebondi Jacques Roulet, avocat du propriétaire: "Aujourd'hui, il y a encore potentiellement des dizaines de milliers de Suisses qui conduisent des véhicules qui ne sont pas dans les normes et qui potentiellement commettraient des infractions ", a-t-il expliqué
Jacques Roulet appelle à un dédommagement des 350 clients lésés qu'il représente toujours et à l’ensemble des propriétaires suisses concernés, "comme cela a été le cas dans d’autres pays".
Un cas unique?
Interrogée par la RTS, AMAG dit étudier l’option d’un ultime appel devant le Tribunal fédéral, malgré la voie restreinte que lui offre dans ce cas le recours constitutionnel subsidiaire. L’importateur conteste autant l’expertise que la décision de la Cour : "Il s’agit d’un cas individuel pour lequel un jugement est rendu sur la base d’une expertise juridiquement incorrecte. Ses résultats erronés ne sont pas transférables à d’autres véhicules", juge le groupe.
Jacques Roulet estime pour sa part la décision d’ores et déjà exécutoire. Elle condamne AMAG à reprendre le Touran, à rembourser le client au prix à neuf déduit d’une indemnité kilométrique, pour un total de plus de 18'000 francs, à lui verser des dépens à hauteur cumulée de 8000 francs et à assumer les frais de justice des deux procédures.
Quid des 130'000 autres?
Pourquoi dès lors ne pas tester individuellement les véhicules des 350 autres plaignants pour obtenir gain de cause? Ce serait trop long et coûteux répond Jacques Roulet, qui articule le chiffre de 15'000 francs par expertise. L’avocat déplore l’impossibilité de mener des "class actions" en Suisse : "Si on avait pu le faire dans le cadre d’une action collective, ce cas-ci aurait un effet automatique sur les autres", explique-t-il.
Interrogé par la RTS, l’Office fédéral des routes (OFROU) répond qu’au vu des documents à sa disposition, il n’a "aucune raison de douter de la conformité des modèles similaires".
Les documents de référence pour l’UE et la Suisse ont été produits par son homologue allemande, le Kraftfahrtbundesamt (KBA), y compris la validation des mesures correctives pour les moteurs EA189. Selon les ordonnances techniques, des contrôles sont admis durant 5 ans ou 100'000 kilomètres après la première mise en circulation, mais l’OFROU n'en a mené aucun, précise son porte-parole.
Pascal Jeannerat
Maigres espoirs d’indemnisation
Outre les éventuelles suites de ce cas, le principal espoir pour les clients lésés suisses qui se battent encore repose en Allemagne. La Cour constitutionnelle a relancé les chances de succès en admettant le droit à l’action Myright de représenter les intérêts de clients étrangers, parmi lesquels 2000 plaignants suisses.
En Allemagne, 230’000 plaignants ont déjà été dédommagés et des procédures restent en cours. En Grande-Bretagne, un accord à l'amiable a permis en 2022 de dédommager 91'000 plaignants à hauteur de près de 250 millions de francs. Aux Etats-Unis, les indemnités versées depuis 2016 dépasseraient les 10 milliards de francs, selon la Federal Trade Commission (FTC).
Au niveau pénal, la procédure ouverte en 2016 par le Ministère public de la Confédération (MPC) se poursuit. Elle vise notamment à établir si des responsables d’AMAG ou de Volkswagen en Suisse étaient au courant de la tricherie à l’oxyde d’azote avant l’éclatement du scandale en septembre 2015.
En Allemagne, le volet pénal a abouti fin juin à la condamnation de trois cadres de Volkswagen, dont une peine de 21 mois avec sursis contre l’ancien patron d’Audi Rupert Stadler pour fraude par omission. La cause est en appel.