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Les petits maraîchers suisses sont obligés de brader leurs légumes cet été

Les petits maraîchers tirent la langue en cette période estivale. [KEYSTONE - JEAN-CHRISTOPHE BOTT]
Les petits maraîchers suisses sont obligés de brader leurs légumes cet été / La Matinale / 1 min. / le 4 août 2023
La cueillette des légumes bat son plein, mais les clients manquent à l'appel. Si la baisse de la demande pour la vente directe lors de la pause estivale est habituelle, elle se fait ressentir plus fortement cette année.

Selon les maraîchers contactés par la RTS, il arrive que plus de la moitié des légumes de la semaine ne trouvent pas preneurs. D'un côté, les restaurateurs et les épiceries ferment pour l'été.  "On est passé de plusieurs commandes par semaine à 0", témoigne Jérôme Nidegger, qui gère les Champignons de Cartigny (GE)

De l'autre, les particuliers partent en vacances plus que d'habitude, semble-t-il. Il y aurait une volonté de rattraper les voyages perdus à cause du Covid-19, imaginent les maraîchers. La demande pour les paniers de légumes chute donc drastiquement.

Une réalité qui contraste avec l'abondance des champs, relève Jonas Gavillet, micro-fermier dans le canton de Fribourg. "C'est une période difficile dans le milieu du maraîchage, car on voit tous ces beaux produits qu'on est obligé de devoir mettre en deuxième choix, en action, voire au compost", explique-t-il vendredi dans La Matinale.

Des stratégies anti-gaspillage

L'opération anti-gaspillage est donc lancée. Sur les réseaux sociaux, des appels à venir acheter de grandes quantités de légumes circulent. Les prix sont cassés. Certains professionnels vont jusqu'à donner le fruit de leur labeur. Ces stratégies visent à éviter de jeter les produits, mais elles mettent en danger la garantie d'un salaire à la fin du mois.

Il faut alors trouver des solutions pour tenir le coup sur le long terme. A la micro-ferme Racine Carrée à Prez-vers-Noréaz (FR), Jonas Gavillet ne livre plus qu'à des restaurants ouverts toute l'année.

"Je ne produis que d'avril à novembre. Il fallait que je trouve une clientèle qui puisse s'adapter à ça, explique-t-il. J'ai, par exemple, ciblé les restaurants de Bulle plutôt que Fribourg car l'affluence n'est pas la même en été."

Il a également mis des conditions à l'abonnement pour les paniers de légumes. Il n'est pas possible d'annuler les paniers lors des vacances d'été, mais simplement de les décaler à une autre semaine.

Une autre option consiste à décaler la production pour limiter les récoltes durant l'été. Par exemple, en plantant les tomates plus tard, pour que le gros de la cueillette se fasse fin août. Mais cette méthode est à risque car elle va à l'encontre du développement naturel des plantes, souligne le service ProConseil, qui accompagne les nouvelles structures agricoles.

La transformation des produits coûte cher

Pour valoriser les légumes frais délaissés, la transformation permet de les vendre sous forme de conserve ou de soupe. Mais cette option est difficilement accessible pour les petites exploitations, explique Eline Müller, secrétaire syndicale chez Uniterre. "Comme il faut respecter beaucoup de normes d'hygiène pour transformer les produits, cela nécessite beaucoup d'investissements. (...) On a un prix de l'alimentation sur les étals qui ne reflète pas du tout les prix de production et de transformation."

Bastien, maraîcher à la micro-ferme l'Ortie à Genève, dénonce également l'absence de lieux de transformation adaptés: "On est obligés d’envoyer l'orge perlé genevois vers Berne pour le faire décortiquer, car c’est uniquement là-bas qu’il y a une machine. Les moyens de production à notre échelle manquent, déplore-t-il dans la Matinale de la RTS. Il nous faudrait des cuisines où nous pourrions venir faire notre transformation à moindre coût, car ce n’est pas possible pour des petites structures paysannes comme la nôtre d’investir énormément dans un local qui nous permettrait de gérer ce surplus."

Pourtant, il existe bien à Genève une conserverie. Le Cri de la Carotte a ouvert il y a un an. Mais sa responsable Emma Azconegui est déjà sous l'eau. Elle raconte travailler sans interruption pour pouvoir transformer les centaines de kilos de légumes qui arrivent régulièrement.

L'horizon paraît donc bouché pour les micro-fermes. D'autant plus que la demande n'est pas uniquement en baisse en été. Depuis la fin de la pandémie Covid-19, les consommateurs et consommatrices se détournent des circuits courts. Les abonnements à des paniers de légumes, par exemple, sont en diminution. Les clients sont même moins nombreux qu'avant la pandémie.

>> Ecouter aussi l'interview d'Hélène Bougouin, agronome à l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL), dans le 12h30 :

Un paysan de dos observe son champ. [Keystone - Leandre Duggan]Keystone - Leandre Duggan
Le creux estival particulièrement douloureux cette année pour les petites exploitations maraîchères: interview de Hélène Bougouin / Le 12h30 / 4 min. / le 4 août 2023

Anouk Pernet/vajo

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