En 2017, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a notifié l'extension à la Suisse de la protection de cette "marque figurative", enregistrée initialement par Apple aux Etats-Unis. Cette simple image de pomme - à ne pas confondre avec le logo de la firme représentant un fruit croqué stylisé - est censée s'appliquer à des enregistrements audio, vidéo et cinématographiques.
En 2022, l'Institut fédéral de la protection intellectuelle (IPI) a rejeté définitivement la demande d'Apple. Il justifiait sa décision par le fait que l'image litigieuse, en représentant fidèlement une pomme, appartenait au domaine public. Même si elle peut être comprise comme une référence aux activités de la société Apple, elle serait dépourvue du caractère distinctif nécessaire pour revendiquer une protection en tant que marque, estimait l'IPI.
Pas de besoin sur le marché
Pour le Tribunal administratif fédéral en revanche, la protection de la marque ne dit encore rien des sujets traités dans les enregistrements visés. Rejeter la demande d'Apple au motif que la pomme pourrait représenter un sujet traité aboutirait à exclure de toute protection les marques audio, vidéo ou cinématographiques.
Les juges de Saint-Gall ajoutent que l'IPI n'a pas constaté de besoin actuel pour l'utilisation de cette image sur le marché - qui imposerait qu'elle demeure disponible. En outre, l'institut n'a pas non plus prétendu que l'image était typique des services visés dans la demande.
Dans ces conditions, les magistrats concluent que la protection requise par Apple doit être accordée. Sous réserve de l'utilisation de cette image par des médias traitant du thème des pommes.
Inquiétudes de Fruit-Union Suisse
Par le passé, l'interprofessionnelle Fruit-Union Suisse - qui a pour logo une pomme rouge - avait déjà fait part publiquement de ses craintes face à la volonté d'Apple d'enregistrer toute image de pomme. Jimmy Mariéthoz, le directeur de Fruit-Union Suisse, voit d'un mauvais oeil la décision du TAF.
"Çela nous choque et on le regrette vraiment, puisque la pomme est un bien public et ne devrait pas être protégée de manière quelle qu'elle soit", réagit-il dans La Matinale.
Le logo de Fruit-Union Suisse ne devrait toutefois pas être touché par la décision. "D'après les premiers jugements que l'on a vus du dossier, on devrait être épargné par cette protection, puisqu'il s'agit des biens technologiques, et nous, nous restons dans la production agricole", précise Jimmy Mariéthoz.
Portée relative de la décision
Philippe Gilliéron, avocat et spécialiste de la propriété intellectuelle, relativise la portée de la décision du TAF. "L'arrêt ne porte que sur un domaine très restreint, qui est la classe neuve, à savoir les DVD, les CD, les supports vierges d'enregistrement, etc", énumère-t-il.
"Aujourd'hui, Apple a un monopole dans l'utilisation comme logo d'une forme de pomme pour la vente de ce type de produits. Cela ne veut pas du tout dire que plus personne à l'avenir ne pourra faire de documentaires sur des pommes, et risquerait tout à coup de faire l'objet d'une violation des droits des marques d'Apple", précise l'avocat.
Partout dans le monde, Apple applique cette même stratégie. Le géant technologique cherche par tous les moyens à protéger son nom et son identité visuelle. La décision n'est pas définitive et peut être attaquée devant le Tribunal fédéral.
asch avec ats