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Le stress au travail, ça change quoi pour vous?

En Suisse, 30% de la population active se sent émotionnellement épuisée au travail. A l'heure de la rentrée, "Ça change quoi pour vous?" revient sur les lourdes conséquences que cela implique sur le bien-être des gens, sur la santé publique et sur l'économie.
Le stress au travail, ça change quoi pour vous ? [RTS]
Le stress au travail, ça change quoi pour vous? / Ça change quoi pour vous ? / 4 min. / le 16 août 2023

L'heure de la rentrée a sonné. Il va falloir retourner au travail et au stress qui va avec. En Suisse, 30% de la population active se sent émotionnellement épuisée au travail, avec de lourdes conséquences sur son bien-être, sur la santé publique et sur l’économie. Pour les personnes concernés, la sensation est celle d'être face à une montagne infranchissable au sommet de laquelle il faut grimper, comme l'image Sarah Bertschi, consultante en gestion de la santé au travail, dans le 19h30 du 1er novembre 2022.

Et tout à coup vous n’y arrivez plus. Tout est une montagne.

Sarah Bertschi, consultante en gestion de la santé au travail, dans le 19h30 du 1er novembre 2022

Travail et stress sont toujours allés de pair. Si le terme de burn-out est né en 1969, le syndrome a été conceptualisé au début des années 80, surtout dans les professions de la santé et les métiers du "care", avant d’être élargi à tous les secteurs. Aujourd’hui en Suisse, la prévalence de burn-out dans la patientèle se situe entre 6% et 9% selon Unisanté.

Pourquoi est-ce que le stress augmente?

Notre société capitaliste et technologique a transformé le monde du travail. L’arrivée des mails, des smartphones et du télétravail a brouillé la frontière entre vie privée et vie professionnelle. A ceci s'ajoute la pression de performance qu'on se met soi-même.

"En Suisse, on a un rapport au travail qui est particulier. On parle de 'la qualité suisse', du 'travail bien fait', et on a des syndicats mais on fait très peu la grève. Le travail, en Suisse, c'est un peu sacré", constatait la psychologue Catherine Vasey, dans le 19h30 du 21 avril 2023.

Les syndicats revendiquent une protection mieux adaptée à ces changements. "Aujourd’hui, le travail est devenu plus exigeant, plus intensif et plus complexe. Les nouvelles technologies ont permis de rajouter de plus en plus de tâches à un travail, les salaires sont stagnants et le coût de la vie augmente. Donc c’est vraiment une situation très difficile pour les travailleuses et les travailleurs", détaillait le 11 mai dans Forum Migmar Dhakyel, secrétaire centrale chez Syna.

>> Lire aussi : Travail.Suisse demande des mesures contre le stress au travail

Autre composante: le sens de son travail. En 2018, l’anthropologue américain David Graeber posait le concept de "bull shit job", littéralement "les boulots à la con", pour désigner les tâches inutiles accomplies par une grande partie des employés, jusqu’en Suisse.

On avait l’impression qu’on produisait tous une tonne de rapports quotidiennement qui atterrissaient sur le bureau d’un manager dont le travail était de les lire. On n’avait jamais de feedback sur ce qu’on faisait. C’est vraiment cette notion d’utilité qui est importante. Tu fais un truc, tu te dis à quoi ça sert?

Michaël Desforges, courtier de devises Telexoo, dans le 19h30 du 5 novembre 2018

Michaël Desforges a par exemple travaillé plus de vingt ans dans la banque. La production maladive de rapports l'a amené à changer d'orientation. "On avait l’impression qu’on produisait tous une tonne de rapports quotidiennement qui atterrissaient sur le bureau d’un manager dont le travail était de les lire. On n’avait jamais de feedback sur ce qu’on faisait. C’est vraiment cette notion d’utilité qui est importante. Tu fais un truc, tu te dis à quoi ça sert?", comme il l'expliquait dans le 19h30 du 5 novembre 2018.

>> Lire aussi : Les "bullshit Jobs", le "brown-out", ou quand le travail perd tout son sens

L’effet covid

Au-delà de l’immense pression mise sur certaines professions par la pandémie, le Covid a aussi permis de ralentir et de découvrir une vie presque sans bureau, ni collègues. Le retour aura été difficile. Dans le 12h45 du 20 octobre 2021, la Clinica Holistica, spécialisée dans le burn-out, affichait deux à trois mois de liste d’attente.

"Pendant le premier semestre de 2021, nous avons atteint un taux d’occupation record de 100,7%. Nous étions en fait surpeuplés et ce taux est similaire voire supérieur pour le deuxième semestre", constatait alors Michael Pfaff, directeur médical de l’établissement situé dans les Grisons.

De plus en plus d’absences

L’absentéisme a atteint en Suisse des records l’an passé. Avec 9,3 jours d’absence par employé à temps plein en 2022, c’est 20% de plus que pendant la période du Covid et 33% de plus qu’en 2019. Cette hausse est présente dans tous les secteurs. Sa cause principale est la santé, qu'elle soit physique ou mentale.

>> Lire aussi : Absentéisme record au travail en 2022

La responsabilité des entreprises

Le stress au travail a coûté l’an dernier à l’économie suisse quelque 6,5 milliards de francs, selon le Job Stress Index 2022 de Promotion Santé Suisse.

"C’est très coûteux pour l’employeur. Et si vous avez affaire à des grandes entreprises qui ont des départements RH avec des collaborateurs qui peuvent faire ce type de prise en charge, c’est une chose. Mais quand vous avez à faire à des petites entreprises qui sont aussi soumises aux mêmes contraintes et qui mettent les mêmes pressions sur leurs collaborateurs, pour elles la marge de manœuvre est beaucoup moins importante", expliquait la directrice de l'Office AI de Genève, Natalia Weideli Bacci, dans le 19h30 du 31 août 2019.

Tout le monde cherche donc la baguette magique. Parmi ces outils, les "chief happiness officer", autrement dit les responsables du bonheur. "Si un dirigeant me demande que le bien-être au travail coûte un certain budget, moi je lui dirai que par rapport au coût du mal-être au travail ce n’est rien", pointait Annika Månsson de l’entreprise Happy at Work, dans le 19h30 du 21 avril 2023.

La rhétorique qu’il y a dans ces formations, dans ces intervenants en entreprises, reporte la responsabilité du stress uniquement sur l’individu et pas sur un questionnement autour du contexte de travail et l’émergence de ce stress

Sophie Le Garrec, sociologue du travail à l’université de Fribourg

Mais ces gourous ayant pour mission de nous encourager à améliorer notre performance au travail inquiète Sophie Le Garrec, sociologue du travail à l’Université de Fribourg, comme elle l'expliquait dans le 12h45 du 22 mars 2021. "La rhétorique qu’il y a dans ces formations, dans ces intervenants en entreprises, reporte la responsabilité du stress uniquement sur l’individu et pas sur un questionnement autour du contexte de travail et l’émergence de ce stress."

Claire Burgy

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Quelques conseils lorsque l'on évolue dans une environnement professionnel stressant

  • Ne pas s’identifier uniquement à son travail et le garder à sa juste place.

  • Demander de l’aide ou consulter dès les premiers signes comme une baisse de motivation et d'énergie, des troubles de l'humeur, des problèmes de sommeil, maux de tête, douleurs musculaires, incapacité à récupérer après un week-end ou des vacances.

  • Se dire que le burn-out est un symptôme du dysfonctionnement de l’entreprise. Ce n'est pas à l'employé mais à l'employeur d’assurer un environnement sain et soutenant.

>> Le podcast du Point J : Podcast – Vais-je faire un burn-out? et Et si l'intelligence artificielle permettait de mieux dépister le burn-out?

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