En quatre décennies, le "made in China" a conquis la planète. Mais aujourd'hui, des entreprises quittent le pays, en délocalisant leur production en Asie du Sud-Est. Des géants comme l'américain Apple ou les japonais Nintendo et Sharp participent à ce mouvement, qui s'accélère en même temps que l'économie chinoise ralentit.
A entendre Valérie Niquet, qui cite un rapport de la Chambre de commerce européenne en Chine, le phénomène s'observe dans les chiffres.
"À peu près une entreprise européenne sur dix s'est retirée de Chine. Au-delà, une sur cinq a l'intention de le faire et réfléchit à des solutions. Mais surtout, ce qui est très important, c'est que deux entreprises chinoises sur cinq souhaitent investir en dehors de la Chine, délocaliser", pointe la spécialiste de l'Asie à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris. Un phénomène qui existait avant l'arrivée du Covid, mais qui s'est accéléré, selon la politologue.
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"On atteint une sorte de plafond"
Comment expliquer cette désaffection? Valérie Niquet mentionne d'abord le "ralentissement de l'économie chinoise, qui apparaît beaucoup moins comme un eldorado".
Le coût de la main-d'œuvre, notamment, a augmenté. Une classe moyenne s'est formée, il y a donc moins de travailleurs employables à moindre coût. Valérie Niquet explique que la Chine s'est surtout retrouvée prise au piège de sa manière de croître:
"On arrive à un certain niveau de développement après avoir pu retirer les bénéfices les plus faciles des réformes économiques lancées dans les années 1970. Puis, on atteint une sorte de plafond que la Chine a du mal à traverser en raison des blocages de son système politique, par exemple sur la propriété de la terre, qui n'existe pas, (...) ou alors le passeport intérieur qui impose aux gens de travailler là où ils sont nés et qui limite en quelque sorte leur capacité à se déplacer librement sur le territoire", analyse-t-elle.
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Loi sécuritaire
La politologue relève ensuite que la nouvelle loi sur la sécurité nationale du président Xi Jinping a eu un impact économique. "Les conditions de travail, de recherche, d'information et de transparence en Chine se sont fortement dégradées. On prend des risques quand on y fait des affaires", note Valérie Niquet.
"On l'a vu avec des raids lancés contre les bureaux de grandes sociétés d'audit, installées pour mieux comprendre la santé des entreprises chinoises. Ceci peut être dénoncé comme recherche de secrets d'Etat, par exemple", illustre-t-elle.
L'Inde tire son épingle du jeu
Autre facteur du désamour des firmes étrangères, selon la spécialiste: le gouvernement chinois privilégie désormais les entreprises locales dans plusieurs domaines.
Résultat, les pays d'Asie du Sud-Est se frottent les mains. Valérie Niquet évoque en particulier le Vietnam, le Bangladesh et l'Inde. Le mastodonte voisin se profile désormais comme "lieu de repli" dans le secteur des technologies. L'année passée, Apple annonçait d'ailleurs produire l'iPhone 14 en Inde pour réduire sa dépendance envers la Chine.
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Propos recueillis par Benjamin Luis
Texte web: Antoine Michel