La marque lausannoise Mover, qui a démarré dans les années 1950 en commercialisant des habits de ski, a pris une nouvelle direction en 2021 en éliminant totalement le plastique de sa gamme. "On n'est pas venu à l'écoresponsabilité par envie ou par souci de l'écologie, mais [...] parce que notre démarche de fonction et de performance nous a amenés là", explique son directeur Nicolas Rochat lundi dans l'émission basik.
"Ça passe par les matières comme le Swisswool (un matériau innovant à base de laine expansée, ndlr.), les velours côtelés qui sont 100% en laine, le coton tissé à haute densité qui est étanche ou de la soie en ribstop qui était utilisée par les parachutistes américains pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des fois, on va en arrière pour avancer", poursuit-il.
Une part encore marginale du marché
"Nous travaillons avec des entreprises qui utilisent du fil en coton ou encore des encres à l'eau pour que toutes nos matières soient dénuées de plastique", vante encore Nicolas Rochat. Ces matériaux sans plastique coûtent toutefois un certain prix. "On a des t-shirts en coton organique de 40 à 50 francs. Un pantalon en coton coûte autour des 140 francs et un pantalon en laine autour des 220 francs", expose-t-il.
Si la production de Mover se veut "écoresponsable", elle n'est pas locale pour autant: ses vêtements sont actuellement produits au Portugal.
L'entreprise est une pionnière dans l'industrie du textile de sport. En produisant sans plastique, elle bouscule les codes. Cette évolution fait du bien à la planète, car les textiles synthétiques sont responsables de 35% de la pollution microplastique des océans, selon un rapport publié récemment par plusieurs ONG. Mais aussi un pari commercial sur l'avenir: "On est les premiers avec cette proposition sur le marché. On l'a évalué à 6 à 7 milliards", conclut le Lausannois.
Concept à géométrie variable
Ce marché d'avenir est toutefois encore très confidentiel. Sept milliards de francs, ce n'est pas beaucoup par rapport à une industrie du sportswear qui pèse près de 200 milliards, selon des estimations, et qui grandit chaque année. Les plus grands centres de production sont en Inde, en Chine, au Bangladesh ou au Brésil et l'aspect écoresponsable n'est pas encore une priorité pour une majorité de l'industrie.
D'ailleurs le concept même d'écoresponsabilité n'est pas complètement clair aujourd'hui, y compris en Europe. Il n'existe ni critères, ni définition officielle, ni contrôles.
Spécialiste de ce domaine et collaborateur scientifique à la HEIG-VD, le chercheur Julien Boucher explique qu'un affichage environnemental sous forme d'une échelle comparative est en cours de développement en Europe. "On va calculer l'impact environnemental des produits pour qu'on puisse, au final, comparer les étiquettes", détaille-t-il.
L'écoresponsabilité reste un concept à géométrie variable. Les entreprises l'utilisent à leur guise. Et à l'heure actuelle, les démarches les plus pertinentes se trouvent généralement du côté des petites entreprises, qui conservent une production à taille humaine.
Lea Huszno/jop
La marque italienne Accapi mise sur le local
L'écoresponsabilité fait son chemin dans les petites structures. La marque italienne Accapi, par exemple, a commencé par produire des chaussettes dans les années 1950 avant de se développer dans le secteur du sous-vêtement de sport. Après une tentative infructueuse de délocalisation de sa production, la famille est revenue à sa configuration de base: un fonctionnement de proximité. Ainsi, le siège de l'entreprise et sa production sont au même endroit.
"Avec une grande production, tu perds ton identité et ta culture. Nous, les Italiens, nous avons la capacité de produire des choses simples mais belles et j’aimerais perpétuer cette tradition", témoigne son directeur Claudio Chiaruttini. Du fil à la teinture, Accapi revendique ainsi 99% de produits made in Italy. Sa production peut monter jusqu'à 100'000 pièces par an. Mais là encore, ce savoir-faire local a un coût. Un pull coûte, par exemple, environ 50 euros et une paire de chaussettes environ 20 euros.
À l’avenir, Accapi souhaite également travailler autant que possible avec des matériaux recyclés. "On va y arriver parce que le développement est important et que les entreprises ont compris que si elles ne vont pas dans cette direction, elles perdent le marché", affirme Claudio Chiaruttini.