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Le silence du personnel de Credit Suisse, omerta révélatrice de l'opacité du secteur bancaire

Comment expliquer le silence des employés de Credit Suisse depuis l'annonce du rachat de leur banque par UBS ?
Comment expliquer le silence des employés de Credit Suisse depuis l'annonce du rachat de leur banque par UBS ? / 19h30 / 2 min. / le 24 août 2023
Le rachat de Credit Suisse par UBS a fait couler beaucoup d'encre en Suisse et a suscité de nombreuses réactions. Mais parmi elles, la voix des employées et des employés, directement concernés, se fait particulièrement discrète.

Au lendemain de l’annonce du rachat de Credit Suisse par UBS, une manifestation était organisée sur la Paradeplatz à Zurich. Mais parmi les personnes présentes, pas une seule ne travaillait pour la banque. Et pour cause, du côté des représentants du personnel, la consigne est claire: ne pas s'exprimer publiquement.

Dans la rubrique de questions-réponses de l'Association suisse des employés de banque au sujet du cas Credit Suisse, à la question "Comment dois-je me comporter si des journalistes me contactent?", la réponse est sans équivoque: "Ne vous exprimez pas vous-mêmes auprès des journalistes ou de la presse."

Pourtant, à chaque rachat d'une grosse entreprise suisse ces dernières années, comme Firmenich, Merck Serono ou Syngenta, des craintes de salariés et des témoignages ont émergé. Mais dans le dossier Credit Suisse, le silence est assourdissant.

Un secteur verrouillé

"La première raison qui peut expliquer ce silence, c'est que les employés et employées de Credit Suisse n'ont eux-mêmes, elles-mêmes, que peu d'informations et sont dans l'incertitude", explique l'avocate Tali Paschoud jeudi dans le 19h30.

Par ailleurs, le secteur bancaire cultive particulièrement le secret. Si bien que pour le personnel, les risques sont importants et vont au-delà de voir ses bonus annulés en cas de non-respect de codes internes, notamment des accords de confidentialité.

"Une personne a le droit de s'exprimer dans la presse au sujet de ses conditions de travail. Toutefois, si elle venait à dépasser la limite du devoir de fidélité, elle pourrait s’exposer potentiellement à un licenciement de son employeur actuel", poursuit la spécialiste en droit bancaire. Et selon le contenu des déclarations, poursuit-elle, des poursuites civiles ou pénales sont possibles.

Plus à perdre qu'à gagner

Par ailleurs, au-delà des risques immédiats, parler aux médias de sa situation ou de son ressenti peut hypothéquer une carrière. "Le milieu bancaire reste un milieu très secret, on n’aime pas forcément les personnes qui parlent trop", abonde Eymeric Moura, spécialiste du recrutement dans le domaine bancaire. C'est particulièrement vrai en Suisse, particulièrement dominante dans le domaine des services financiers très personnalisés. "On ne parle pas de banque d'investissement ou de banque de détail, on est vraiment sur la partie banque privée. Et comme son nom l'indique, ça se veut privé."

Et, selon lui, l'acquisition de Credit Suisse par UBS va encore changer la donne, puisque UBS "va devenir un énorme paquebot, qui va certainement être l'une des premières banques mondiales [...] et forcément elle va avoir un poids économique, politique et fiscal à tous les niveaux. Donc ce n'est pas la banque que vous avez envie de vous mettre à dos", poursuit-il.

Matthieu Hoffstetter/jop

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