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L’argent dans le couple, la difficile quête pour l’égalité

basik - À qui profite le couple? [RTS]
À qui profite le couple ? / basik / 26 min. / le 28 août 2023
Pendant longtemps, la gestion financière des couples suivait un modèle traditionnel: l’homme rapportait l’argent du foyer et la femme gérait les enfants et la maison. Aujourd'hui, pour une grande majorité de couples, il est essentiel d’être égalitaire et juste dans la répartition des ressources du foyer.

L’argent est un sujet que les jeunes couples n’aiment souvent pas aborder frontalement. De plus, il peut s'avérer difficile d’être un couple égalitaire, alors qu'il n’existe pas vraiment de modèle sur la façon de faire et que les pièges sont nombreux.

Budget mensuel

Ensemble depuis quatre ans, Rahoul, serveur à temps plein dans un restaurant, et Eva, diététicienne à 80%, ont évité de parler d'argent en payant chacun leur tour, sans faire les comptes sérieusement, jusqu'au moment où cette méthode a commencé à poser quelques difficultés.

Eva avait "l'impression qu'il payait plus", commençait à se sentir "redevable" et avait "l’impression de s’endetter envers lui", a-t-elle témoigné lundi dans l'émission basik. Pour Rahoul aussi, cela devenait problématique, "J'avais un peu l'impression de payer plus, je ne le disais pas forcément, mais ça me dérangeait aussi", a-t-il expliqué.

Ce jeune couple d’actifs gagne un salaire d’environ 4000 francs chacun par mois. Ils ont empoigné la question et calculé un budget mensuel et paient chacun la moitié des dépenses communes. Au final, chacun verse 1300 francs par mois.

Prendre en compte les tâches ménagères

L’organisation financière d’Eva et Rahoul correspond à celle choisie par une majorité de couples sans enfants en Suisse, selon la sociologue Caroline Henchoz, professeure et chercheuse à la Haute école de travail social de Lausanne.

Mais il y a également un intérêt à considérer dans le calcul la répartition des tâches ménagères qui "ne sont pas indépendantes des questions économiques". "L’intérêt de prendre en considération les tâches ménagères, c’est que ça permet d’évaluer le temps de travail - qu'il soit rémunéré ou non - des deux conjoints et de ce qu''ils amènent potentiellement dans la corbeille du couple ou de la famille", explique-t-elle.

La chercheuse explique que les tâches ménagères représentent "un travail invisibilisé qui permet à celui qui ne les prend pas en charge d’avoir plus de temps libre, d’avoir davantage de temps pour investir dans les loisirs mais aussi dans le travail financier".

Répartition équitable

En Suisse, les inégalités persistent en matière de répartition des tâches ménagères. En 2020, selon l’Office fédéral de la statistique, les femmes ont consacré presque 10 heures de plus par semaine que les hommes aux activités domestiques et familiales et ce temps est le plus souvent non rémunéré.

Eva et Rahoul ont résolu la question en créant un planning des tâches à effectuer dans la maison. D’autres couples mettent au point des systèmes plus sophistiqués, comme Fabienne et son mari David. Ces jeunes parents de deux enfants en bas âge, très sensibilisés aux questions d’égalité, veillent à répartir de manière équitable les tâches ménagères, l’argent, mais aussi le temps de travail.

A la naissance des enfants, c’est Fabienne qui a réduit son temps de travail et son salaire. Mais pour son conjoint, c’est une évidence, "le 20% qu'elle a dégagé, c'est pour s'occuper des enfants, ça fait partie du travail", affirme-t-il. Et cela ne doit donc pas avoir un impact sur le niveau de vie de sa compagne.

Pour s’assurer de gérer les finances au mieux, ils mettent en commun l’entier de leurs salaires respectifs, provisionnent les dépenses à venir, puis se versent sur des comptes personnels une somme dédiée aux dépenses individuelles, ainsi que de l’épargne. Ce système garantit que les deux conjoints épargnent la même somme, même si l’un gagne mieux sa vie à un moment donné.

Chute de revenu des femmes

Cette organisation permet d’éviter une situation récurrente en Suisse, où l’arrivée des enfants entraîne une chute de revenu chez les femmes et pas chez les hommes. En effet, selon une étude de Sécurité sociale (CHSS), une publication en ligne de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), le revenu des femmes chute de plus de 50% dès la première année de maternité.

Et cette baisse perdure pour des raisons structurelles. "Généralement, les femmes réduisent leur taux d'activité pour un certain nombre d'années", explique Caroline Henchoz. "Et souvent avec le temps partiel, il y a moins de responsabilité au sein des entreprises, ce qui fait qu'elles bénéficient moins d'avancements professionnels", poursuit-elle.

Effet de la première naissance sur le revenu. [Sécurité sociale (CHSS)]
Effet de la première naissance sur le revenu. [Sécurité sociale (CHSS)]

Pour la chercheuse, le couple peut autant renforcer les inégalités que les atténuer, mais pour cela il faut empoigner la question. "Les inégalités salariales existent indépendamment du couple et après, selon la manière par exemple dont le couple va se répartir les dépenses collectives, cela peut contribuer à reproduire ces inégalités", conclut-elle.

Micaela Mumenthaler/edel

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