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Prix Nobel d'économie, Esther Duflo explique la pauvreté aux enfants

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Esther Duflo, économiste et prix Nobel
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Esther Duflo, économiste et prix Nobel / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 11 min. / le 29 août 2023
Colauréate du prix Nobel d’économie 2019 pour ses travaux sur la pauvreté dans le monde, Esther Duflo a imaginé une série de dix albums illustrés, dont cinq nouveaux tomes sortent cette semaine, pour encourager les enfants à se poser les bonnes questions, en dehors de tout préjugé.
Imai, l'un des cinq nouveaux albums de la série de Esther Duflo. [DR]
Imai, l'un des cinq nouveaux albums de la série de Esther Duflo. [DR]

Ils s'appellent Thumpa, Seleni ou encore Imai. Tout comme quelque 356 millions d'enfants dans le monde qui vivent avec moins de 2 francs par jour, ils sont confrontés chacun à leur manière à des enjeux liés à la pauvreté.

Ces enfants sont les protagonistes des cinq nouveaux tomes imaginés par la colauréate du Prix Nobel d’économie 2019 Esther Duflo.

Loin de tout préjugé

Publiés cette semaine aux éditions Seuil Jeunesse, ces albums illustrés ont pour mission, comme les cinq précédents publiés en 2022, de faire comprendre aux plus jeunes ce que "précarité" signifie réellement. Et de les encourager à se poser les bonnes questions, loin de tout préjugé, explique Esther Duflo mardi au micro de La Matinale.

"Les enfants peuvent tout comprendre. Ils sont encore ouverts au monde, parfois plus que leurs parents. C’est donc important de tirer parti de cette fenêtre d’ouverture pour les exposer à ces problèmes de pauvreté."

A leur échelle, il y a pléthore de choses à faire, poursuit-elle. "Mais ils ne pourront probablement pas le faire tout seuls", insiste-t-elle. "On ne voulait pas transformer ces enfants en superhéros. Mais on leur montre qu'à leur échelle, il y a des choses qu’ils peuvent essayer de faire et de comprendre." Notamment en se mobilisant à plusieurs ou en s'entourant de personnes compétentes pour mieux se faire entendre.

Plusieurs dimensions

Une des premières choses à inculquer aux plus jeunes, c'est que la pauvreté est multidimensionnelle, estime la prix Nobel d'économie: "Ce n'est pas juste le manque d’argent, mais c’est aussi ne pas avoir accès à l’école, de pas avoir une bonne santé. Et pour des millions de femmes dans le monde, c’est aussi ne pas pouvoir travailler quand elles le désirent ou faire le métier qu'elles veulent."

Casser les clichés sur la pauvreté, c'est aussi une des missions que s'est données l'économiste française en se lançant dans l'écriture de ces histoires pour enfants. "Par exemple, on peut avoir l’idée que la vie des gens pauvres est entièrement dédiée à trouver l’eau ou la nourriture dont ils ont besoin pour la journée. Et qu’à part ça, ils ne peuvent rien faire. Mais une des choses que l'on voulait montrer dans ces livres, à la fois par les histoires mais aussi par les illustrations, c’est au contraire la richesse de la vie des pauvres."

Mais Esther Duflo en était certaine: ces histoires devaient se terminer sur une note positive. "De toute façon, on ne peut pas écrire pour cet âge-là des histoires qui finissent mal. Ça ne serait pas juste, ni pour les enfants, ni pour leurs parents."

Dans cette optique, elle propose donc à chaque fin de récit des solutions ou des outils pour se sortir de la précarité. "Les récits finissent bien mais toutes les fins sont réalistes en même temps", se félicite-t-elle. "Car toutes les fins sont des solutions qui existent en réalité et dont l’efficacité a souvent été démontrée dans nos travaux, par des expériences ou des essais cliniques."

Exemple du microcrédit

Imeuni et Tsnongai, l'un des cinq nouveaux albums de la série de Esther Duflo. [DR]
Imeuni et Tsnongai, l'un des cinq nouveaux albums de la série de Esther Duflo. [DR]

Pour ce faire, l'économiste française s'est appuyée sur ses recherches menées directement dans les pays en voie de développement, ou sur ce qu'elle a pu y observer. "Naturellement, on passe du terrain à la fiction." Y compris dans les solutions proposées.

Dans l'un de ses albums, Esther Duflo évoque par exemple l'outil du microcrédit qui est proposé à l'une de ses protagonistes, en l'occurrence Imeuni. Un outil très utile mais qui n'est pas la solution miracle, comme l'ont démontré ses propres recherches sur la question menées notamment en Inde.

"Imeuni se précipite sur cette opportunité car elle veut vraiment faire quelque chose dans son village. Mais elle n'a pas vraiment d'idée de ce qu'elle peut faire. Le microcrédit lui donne donc surtout l’énergie de commencer quelque chose", conclut l'économiste.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Sujet pour le web: Fabien Grenon

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