On les retrouve partout. Par terre, dans le bus, ou même, trop souvent, dans la nature. "Dans le meilleur des cas, elles sont jetées dans une poubelle", affirme Zoé Cimatti, ingénieure en gestion des déchets à l'Office cantonal genevois de l'environnement (OCEV), au 19h30 de la RTS.
Pourtant, ces puffs devraient être éliminées dans la filière des objets électroniques. Mais combien de fumeurs sont prêts à faire un détour pour recycler une cigarette conçue justement pour être jetée après environ 600 bouffées?
Face à ce constat, l'entreprise zurichoise Sens Recycling, spécialisée dans le recyclage électronique, a décidé d'agir: "Le problème nous a un peu dépassés du point de vue des quantités. Quand on pense à ce qui est importé chaque année en Suisse! Et en même temps, nous avons vu que ces cigarettes électroniques ne finissaient pas chez les recycleurs, alors que ce sont des appareils électriques", déplore, sur SRF, Sabrina Bjöörn, directrice adjointe de l'entreprise.
Croissance fulgurante
En effet, les quantités sont impressionnantes. Depuis un an et demi, les importations de cigarettes électroniques ont bondi, à 11 millions d'appareils sur le premier semestre 2023. C'est plus que les 10 millions importées sur l'ensemble de l'an dernier.
L'entreprise de recyclage s'est donc associée à la faîtière de la branche, la Swiss Vape Trade Association. Contre 15 centimes de taxe d'élimination par appareil vendu, elle se charge de la collecte, du tri et du recyclage.
Des boîtes seront installées dans les points de vente et les puffs seront envoyées par la poste pour être recyclées correctement. Avec ce système Sens Recycling espère voir revenir en retour la moitié des puffs vendues. "Un taux de recyclage de 50% est un objectif élevé, mais nous ferons tout pour l'atteindre", articule Sabrina Bjöörn.
Un début d'éveil
Autre acteur basé à Genève, l'importateur EVapify est lui aussi en train de mettre en place un système de récupération. Les cigarettes électroniques jetables comptent aujourd'hui pour 85% de leur marché, contre 15% de rechargeables.
Le projet de récupération en est encore à sa phase pilote. "C'était avant tout une demande de nos clients. Pour l'instant, nous distribuons des poubelles de recyclage auprès de nos plus gros clients. Ce qui est recyclable sera recyclé. Et ce qui ne l'est pas, on va l'éliminer en toute sécurité", affirme Sayed Hasib Hashimi, responsable des ventes pour la Suisse romande.
Il y a aussi, ça et là, des initiatives individuelles de vendeurs qui ont installé des boîtes de récupération. Et qui se chargent eux-mêmes de les ramener au centre de tri.
La volonté de recycler
Des initiatives que salue Zoé Cimatti, mais avec plusieurs réserves: "La filière de recyclage est inexistante aujourd'hui, donc d'en mettre une en place est tout à fait pertinent. Ce qui va poser problème, c'est du côté de l'utilisateur. La manière dont est conçu le produit n'a pas vocation à être recyclé. C'est un produit qui est fait pour être jetable. Il faut donc que les gens aient la volonté de recycler."
Et l'objectif fixé par la branche de recycler la moitié des puffs vendues ne ferait que confirmer son doute: "Sens Recycling se satisfait d'avoir 5 millions de vaps qui sont éliminées de manière incorrecte. En tant que représentante de l'Office cantonal de l'environnement, je ne peux pas m'en satisfaire. Je ne pense pas que les communes peuvent s'en satisfaire. Je ne pense pas non plus que les recycleurs qui ont des départs de feux de plus en plus importants [provoqués par les batteries au lithium] peuvent s'en satisfaire".
L'interdiction sur la table
Au-delà du recyclage, c'est aussi et surtout la nature même du produit que fustige l'ingénieure en gestion des déchêts. "En terme de conception, il faut beaucoup d'énergie et beaucoup de matières pour les fabriquer, comme l'aluminium et le lithium. C'est d'autant plus idiot de les faire jetables".
Zoé Cimatti n'est pas la première à remettre en cause l'existence même de ce produit. Plusieurs pays ont déjà interdit la vente. En Suisse, le conseiller national écologiste valaisan Christophe Clivaz a déposé en mars une motion pour interdire leur usage en raison de leur impact environnemental. Elle n'a pour l'heure pas encore été traitée par le Parlement.
Feriel Mestiri