"A partir du moment où j'ai quitté l'apprentissage, c'est passé d'un monde à l'autre... J'ai vraiment compris que c'était difficile de s'en sortir pour les gens de notre âge". Julien*, 19 ans, vit avec une dette qu'il estime entre 1500 à 2000 francs. "Le plus important, c'est l'assurance maladie. Et la facture téléphonique aussi, j'ai pas mal déconné", concède-t-il.
Son cas n'est pas isolé: selon l'association faîtière Dettes Conseils Suisse, les primes d'assurance maladie (59%) sont la seconde raison qui poussent les personnes endettées à les appeler, juste derrière les impôts (78%).
Pour Julien, le principal symptôme de l'endettement est une phobie administrative qui se manifeste par des crises d'anxiété au moment d'ouvrir son courrier. Et il ne comprend pas les avis de saisie qui le menacent: "Je ne roule pas en M3, je ne suis pas habillé en Louis Vuitton... Ils ont beau me menacer, je ne vais pas pouvoir en faire plus. Ça ne sert à rien."
J'ai une relation incroyable avec mon père, mais ce n'est pas un super héros : même pour lui, cette dette, c'est trop pour pouvoir m'aider.
La situation familiale et le milieu social sont aussi des facteurs qui aggravent le risque d'endettement pour les jeunes. "On n'est pas des gens qui ont énormément de moyens", confirme Julien.
27 ans et déjà 52'000 francs de dette
Et l'origine sociale peut avoir une incidence bien plus directe, comme dans le cas de Lucie*. Ses dettes sont le fruit d'un héritage. Au décès de sa mère, alors qu'elle a 21 ans, elle découvre qu'elle n'avait jamais payé ses primes d'assurance maladie. Lucie* hérite alors de 20'000 francs de dettes. "C'est très frustrant, très déstabilisant quand on pense à l'avenir", commente-t-elle.
La suite est une spirale infernale. Les factures gonflent sous le poids des rappels, des poursuites et des actes de défaut de bien.
"On regarde les courriers arriver, des tonnes de courriers, et on ne comprend pas comment ça fonctionne", poursuit Lucie. "Des démarches à suivre, certaines très complexes. Je me souviens, j'avais même dit: si je dois finir en prison pour payer mes dettes, je le ferai".
Au-delà des problèmes juridiques, les conséquences peuvent rapidement s'accumuler pour les personnes endettées. Anxiété, problèmes de santé ou barrières socio-professionnelles... Aujourd'hui, Lucie cherche à se réinsérer. Mais une fois les charges payées, elle vit avec environ 200 francs par mois.
Récemment, elle a réussi à trouver un petit studio après s'être longuement battue. Un vrai soulagement: une propriétaire lui a fait confiance alors que les régies immobilières n'acceptaient pas sa situation "délicate".
L'Etat de Vaud lance un "jeu" pour sensibiliser les jeunes
Julien comme Lucie dénoncent un manque d'information et de soutien administratif au moment de passer à l'âge adulte.
De leur côté, les différents services cantonaux concernés tentent de sensibiliser les jeunes. Dans le canton de Vaud, un jeu vidéo - Till Next Bill - a été lancé. Directement destiné aux 15-25 ans, il les plongent dans la vie d'un jeune adulte confronté aux charges financières et aux imprévus.
>> En savoir plus à ce sujet : Un jeu vidéo aide les 15-25 ans à éviter le surendettement
"En Suisse, la question de l'argent est extrêmement tabou. Si vous avez des problèmes de dettes et de surendettement, c'est compliqué d'en parler", prévient Nicolas Heredia, chargé de projet à la Direction générale de la Cohésion sociale à l'Etat de Vaud (DGCS). "C'est aussi le but de ce jeu: présenter les aides gratuites pour la prévention et accompagnement en matière budgétaire."
*Prénoms d'emprunt
Cédric Guigon, Katia Bitsch