La Russie est devenue persona non grata dans le milieu du négoce depuis son invasion de l'Ukraine en février 2022. Bien que les céréales russes ne soient pas sous sanctions, les banques sont très prudentes.
"Faites le tour de la place à Genève: il n'y a pas, aujourd'hui, beaucoup de banques prêtes à faire du crédit documentaire sur des exportations russes de blé", confirme dans La Matinale Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à Paris et spécialiste des denrées agricoles.
"Les grandes banques qui dominent le "commodity trade finance" (le financement des matières premières, ndlr) sont très réticentes à aller sur la Russie. Il n'y en a pas beaucoup qui acceptent de prendre le risque réputationnel de financer les opérations sur des exportations, même de céréales, russes", affirme le spécialste.
Pressions sur certains pays
Face à ces difficultés, la Russie a trouvé la parade grâce à des prix bas pour garder un avantage concurrentiel. Mais elle a aussi dessiné de nouvelles routes qui ne sont pas toujours logiques d'un point de vue géographique. Par exemple, le Maroc et l'Algérie, traditionnels clients de la France, ont modifié leurs règles d'importations pour pouvoir acheter du blé russe.
Moscou s'est également servi d'une autre arme, souligne Thierry Pouch, chef économiste aux Chambres françaises d’agriculture. "Des phénomènes de pression ont été exercés sur ces pays-là ou sur le Sénégal, par exemple, qui avait voté en faveur des sanctions au moment de la première assemblée générale de l'ONU au mois de mars-avril de l'année dernière et s'est finalement abstenu en automne 2022. Ce qui a permis à la Russie d'exporter", explique-t-il.
La Russie peut aussi compter sur une récolte exceptionnelle. Le monde espère 45 millions de tonnes de blé russe cette année.
Cynthia Racine/ami
Production de céréales ukrainiennes écornée
La production céréalière ukrainiennes va être pour sa part amoindrie cette année. Pour Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à Paris et spécialiste des denrées agricoles. même si l'accord permettant le transit des céréales par la mer Noire, que la Russie a laissé tomber, devait être relancé, cela ne changerait pas grand-chose pour l'Ukraine.
"Une partie des terres sont devenues des terrains de combats. On l'a bien vu lorsque le barrage au sud de Zaporijjia sur le Dniepr a été crevé, les terres ont été inondées. Des problèmes d'approvisionnement en engrais et de main-d'œuvre se posent. La production ukrainienne 2023-2024 va être beaucoup plus faible. Le corridor céréalier n'est pratiquement pas nécessaire, malheureusement", développe l'historien.